mercredi 18 septembre 2024

Un bol de lait créole (8 et 9)

 


Suite de la lettre :

« Nous grimpions dans les trains surchargés en escaladant - en riant - les fenêtres.Notre ignorance naïve et pure était notre divine protection. Nous étions absous comme on pardonnait aux idiots du Moyen Age.

Il nous est arrivé d'avoir peur des fantômes au fond des puits, alors nous sommes partis le lendemain en riant . Des bateaux, des trains, des taxis brousse nous attendaient partout.

Un tour de cartes suffisait à nous fournir en cigarettes. Chez les toubabs ( les blancs) nous étions de somptueux pique-assiettes, prêts à rendre des services qui ne servaient à rien (en échange d'un repas, d'un lit, d'une semaine de gîte). Notre offre était toujours refusée, nous étions alors logés et nourris pour rien, pour un sourire.


 

« Mais cela c'était ensuite. Tout avait commencé bien avant dans les sables. Sous le soleil énorme et dans les nuits époustouflantes qui empêchaient de dormir en raison des étoiles jetées par poignées dans les cieux. Dans le silence nous buvions lentement du thé à la menthe avant d'aller chasser dans les oueds secs. Hélas, l'homme d'action est toujours violent et souvent un peu seul. L'amitié, là ou rien n'existe, est puissante, considérable. Ces pays nus ne trahissent pas comme ces jungles excessives qui pourrissent et empoisonnent ( j'en sais quelque chose! ). Ici rien devant, rien derrière. Nous mangions des galettes de farine cuites sur les pierres brûlantes. Nous nous allongions dans le silence. Dix ou douze paroles étaient prononcées chaque jour, pour signifier des besoins absolus, jamais pour un exprimer un sentiment ou un jugement. Seul l'imbécile bavarde dans le désert. 

(A suivre)

 

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