Je me suis demandé ce matin - non pas ce qu'était le temps dont chacun sait qu'il n'est rien d'autre qu'un truc qui démange - mais quelle est l'odeur du temps ?
Je pense que la meilleure réponse c'est l'effluve brutal mais bref qui s'échappe d'une soudure (oxygène - acétylène). Je l'ai longtemps connue cette odeur quand je tenais des heures durant des bouts de ferraille sur lesquels mon père s'obstinait à fixer d'autres bouts de ferraille. Le goût du temps je l'ai bien mastiqué alors : c'est le goût de l'ennui absolu, un peu amer mais surtout fade. Quant à sa couleur, c'est sans doute ce qu'il fait de mieux : c'est la flamme soufrée du chalumeau qui soudain s'affine en une épine d'un bleu céruléen. C'est très beau. Et avec un peu de chance si on coupe l'acétylène d'abord la flamme disparaît soudainement dans un claquement sec, ça : c'est le bref bruit du temps.
Voilà, je crois avoir décrit au mieux le temps. Mais il peut aussi avoir le parfum suave de la cire d'abeille que l'oncle Paul faisait fondre au soleil dans la cour d'école ou le goût délicieux du bisou de tante Denise quand elle venait me dire "bonne nuit", avec dans la main - caché - un morceau de chocolat.