mercredi 31 août 2022

quand j'étais gourou (4)

 


Je veux ici préciser une chose : j'ai toujours veillé à n'avoir aucune relation amoureuse dans cette bande, même si les filles plutôt fines et jolies portaient avec charme des robes indiennes colorées, et même si l'amour libre était là plus qu'un principe toléré, c'était une évidence. Cela me donna vite une sorte de sainte réputation. 

Elle s'appelait Marie-Catherine et lui Pierre. Après avoir partagé notre tisane d'ortie au café solidaire du village, je suis arrivé chez eux bien simplement. Une chambre me fut attribuée, chauffée au bois naturellement. J'ai voulu travailler un peu mais j'étais si maladroit que cela les faisait rire. Les autres membres de la communauté était de la même eau.  La cardage de la laine est une tâche lassante, et le suint pue le rance et la vieille bête.  

Sous prétexte de besoins spirituels, je demandais humblement à être déchargé d'un bon nombre de tâches harassantes comme le ramassage du foin, le soin apporté aux cochons, la traite des brebis et des chèvres. Il  me fallait méditer. C'était l'occasion pour moi de me retirer pour satisfaire mes besoins de sieste. Mes fréquentes "méditations" imposaient peu à peu le respect et l'admiration. Au bout d'un mois j'étais bien installé. Je ne faisais pas grand chose et tous me saluaient avec déférence. Certaines m'appelaient même "lumière" avec un gentil sourire. Tous étaient végétariens mais moi je pouvais manger leurs délicieux saucissons et jambons. Ces produits travaillés à l'ancienne étaient fameux. Cette savoureuse charcuterie leur apportait d'ailleurs l'essentiel de leurs revenus. Au tout début ils avaient appelé leurs gorets Riri et Rérette. Mais à l'heure du sacrifice ce fut bien douloureux : il fallait égorger Riri et Rérette ! Alors les suivants furent nommés "Hitler", " Mussolini", "Pinochet", "Franco" etc... Ils étaient délicieusement cons.

( A suivre) 

mardi 30 août 2022

Quand j'étais gourou (3)

 

Cérès déesse des moissons.

Cette expérience montre que l'exercice pratiqué sans cesse impose peu d'imagination, et surtout se nourrit ( se gave ) au fil du temps d'énormités. Elles sont alors avalées goulûment par les crédules. C'est tout l'intérêt des strates. On évolue par stades progressifs, un peu comme à l'armée. L'objectif de l'impétrant étant de parvenir au grade ultime. C'est fort commode pour moi parce que plus l'initié grimpe dans cette hiérarchie de pacotille, plus il avale avec gourmandise de grosses portions, et plus il a faim de concepts absurdes.

Par exemple si je vous dis, là, tout de suite : «  je suis la réincarnation masculine de Cérès la déesse romaine des moissons et de la fertilité » vous allez rire. Mais si, au bout de quelques mois d'initiation je vous offre en récompense cette révélation, vous serez aux anges, littéralement. Et si, plus tard, je vous confie en murmurant : «  je suis né sur Cérès le plus gros astéroïde de la ceinture principale. Rayon 473 km, période orbitale 1.682 jours», vous goberez ce secret avec une reconnaissance éperdue. Donc j'ai sympathisé avec ce jeune couple dans les Cévennes ( voir épisode 1). Nous avons bu une tisane d'ortie ensemble à l'estaminet-solidaire du coin. Ils m'ont invité dans leur communauté. Et le paradis c'est ouvert.

(A suivre)

lundi 29 août 2022

Quand j'étais gourou (2)

 



Grâce à ces "babas cools" j'ai affiné ma technique. Tout n'est qu'une question d'angle.

Voici comment cela fonctionne : je m'amusais à dire des choses absurdes et à trouver des arguments recevables. Ce n'est pas sans surprise que j'ai alors constaté que la rhétorique fonctionnait. Et autour de moi j'ai convaincu quelques oreilles qui n'en demandaient pas tant. J'ai ensuite élargi mon discours en cultivant le champ spirituel. Il n'y a pas mieux que ce terrain mouvant pour bâtir des empires. Ultérieurement je me suis débarrassé de ces impedimenta mentaux pour n'atteindre que l'essentiel, c'est-à-dire : mon bien être et mon profit.

J'ai développé quelques théories fumeuses sur les dieux vengeurs, les créateurs facétieux, les extra-terrestres qui expérimentent sur terre des théories du pouvoir ; et j'ai constaté que ces vieilles rengaines n'avaient pas pris une ride. La réincarnation, notamment, avait beaucoup de succès. De là à devenir un apprenti dieu réincarné … il n'y avait qu'un pas allégrement franchi.

( A suivre)


dimanche 28 août 2022

Quand j'étais gourou (1)





Si je me souviens bien tout a débuté simplement dans les Cévennes. J'avais le cheveu et la barbe longs, je marchais en sandales. J'avais mis des bagues viking dans mes poils pour faire plus … mystérieux. Je déambulais dans cette délicieuse campagne fraîche lorsque sur un marché j'ai sympathisé avec un jeune couple. Il avait choisi de quitter la ville et ses illusions pour découvrir la terre. La vraie. Celle qui est pure et qui fait mal au dos. Tous deux habitaient en communauté dans un village perdu sur un causse à l'herbe rare et aux hivers glaciaux. Ils vivaient de peu, vendant des fromages de chèvre, des œufs et des vêtements de laine brute teintée « bio ». Je me suis dit : « s'ils sont un peu nombreux cela peut fonctionner. »

Dans leur bourg ils étaient trente-huit couples, ajoutez à cela vingt-quatre dans un hameau voisin et quinze autres dans une ancienne grande ferme. Cela faisait deux fois soixante dix sept disciples potentiels. Considérons une perte probable de sept, il en restait bien assez pour vivre à bon compte.

(A suivre)



mardi 16 août 2022

Nous fumes les plus forts

 Ils voulurent casser les arts


Mais les dessins de Topor ( proscrits) circulaient sous le manteau et les musiques ( interdites) de Tinariwen dansaient dans les têtes.

Ils voulurent le désert, mais le désert leur échappa. Et nous furent nombreux à boire à cette source libre.




lundi 15 août 2022

Bals à en perdre la tête

 


A la fin de la Terreur ( juillet 1794) le désir de plaisir fut considérable. On inventa le "bal des victimes". Plus on avait eu de parents exécutés, plus on pouvait y aller. On y allait avec la coiffure des victimes, c'est-à-dire la nuque bien dégagée. Il fallait porter un collier rouge, ou un châle de la même couleur. Les tripots connurent là une vraie renaissance !