Le
paysage devient, au fil du chemin parcouru, un complice délicieux. Il
partage tout, les herbes caressent les nuques, des fleurs énormes
libèrent des fragrances capiteuses qui vous enveloppent, cela
s'appelle le bol de lait créole. Il envoûte comme une drogue, comme
une bouffée de cet opium rare qu'on ne peut fumer qu'en Chine dans
le port de Ningbo par exemple, dans les sous-sols des salons de thé
crasseux. Je comprends alors que je me transforme en une sorte de
bois flottant. Je plonge et me laisse dériver, loin du canot qui
s'est perdu déjà dans le marigot après que le navire s'est ensablé
il y a longtemps.
C'est ainsi que je suis devenu pur indien, quand une femme indienne nue et minuscule m'a recueilli sur un banc de sable où j'agonisais, dévoré par des sangsues géantes.
Depuis je suis totalement heureux, papa, dans un paradis de branches. Il m'arrive encore de boire parfois de l'iboga amer et de me transformer en sève. Mais c'est de plus en plus rare puisque j'habite désormais le paradis avec mes enfants rieurs et mon épouse douce comme le bol de lait créole.
FIN
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