Comme tu imagines la vie au ghetto est dure. Nous sommes les uns sur les autres. Il n'y a qu'un seul robinet pour tout l'immeuble. Et bien souvent l'eau est coupée. Les gens s'engueulent. La voisine rouspétait ce matin parce que ma mère a pris deux bassines d'eau, et quand son tour est venu, l'eau n'arrivait plus. Maman lui a donné une de ses cuvettes mais ce n'était pas suffisant, elle couinait encore.
Mon père m'étonne. Il n'avait plus rien à donner quand les nazis nous dépouillaient au shtetl, et pour cela j'ai été battu quatre fois. Mais ici dans le ghetto il sorti de la doublure de son gros manteau dix petits diamants. "Avec cela on va tenir un peu" a-t-il dit tristement. Il faut bien acheter du pain et quelques légumes, et il y a toujours des gens intéressés par les diamants.
Il n'y a plus de rat, ni de chat, ni de chien, ils étaient déjà tous mangés quand nous sommes arrivés. Les poux eux sont bien là. Je me gratte furieusement et ma petite soeur si jolie est couverte de boutons infectés. Je passe mon temps dans la rue à chercher un petit boulot : décharger un camion de pierres pour deux pièces, vendre une vieille paire de chaussures volées dans une immeuble voisin... Il fait un froid terrible et nous dormons tous ensemble, en même temps. Nous n'avons pas de nouvelles de ma soeur mariée, elle a été emmenée ailleurs avec son mari.
(A Suivre)
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