Ces bouteilles comme les deux précédentes venaient du monde d'avant la mémoire perdue. Elles contenaient aussi des serpents mais pas toutes, elles avaient des arômes de framboise, de poire et de prune. Nous en bûmes deux chacun sans attendre. Et nous nous affaissâmes sur nos paillasses insensibles à la pluie rageuse qui avait fini par se frayer un chemin dans la fougère et qui commençait à tremper notre gîte. Combien de temps dura le somme ? Je l'ignore. Mais au réveil en plus d'une furieuse migraine je sentis le soleil qui me frappait le front. Amogh était déjà éveillé et souriait niaisement.
_Que t'arrive-t-il ? Lui ai-je demandé.
_ J'ai de nouveau rêvé, et je m'en souviens ! Murmura-t-il comme s'il se répondait à lui-même.
_ Comment cela ? Tu te souviens de ton rêve ? Cela signifie que cet alcool ancien nous fait devenir des hommes nouveaux, je veux dire des hommes d'avant ?
_ Je crois bien que oui.
_ Raconte, raconte-moi.
_ C'est une longue histoire. J'étais un minuscule hobereau dans un fond de Sologne mouillé. Bien sûr je ne travaillais pas, je veillais à entretenir mes forêts, à pêcher mes étangs, à chasser le canard aussi. Mon épouse était souffreteuse, très pâle et un peu triste, maigre aussi, avec un beau sourire las. Elle était navrée de me causer tant de tracas. Elle brodait et parfois fredonnait une vieille chanson anglaise « I love you in the morning... ».
Obsédante chanson ( voir premier épisode)
Amogh poursuivait, avait-il parlé si longtemps un jour... Je ne me souvenais pas. Il revivait son rêve entièrement.
_ Je vais dans une forêt de pin sylvestre. Mon cheval va son pas de cheval. Il n' y a rien à faire qu'aller droit devant, et l'imagination aussi va son chemin. Elle et moi, nous nous sommes connus un jour de 14 juillet lors du défilé des hussards dans le chef lieu de canton. Notre union a rassemblé nos terres mitoyennes mais n'a pas donné d'enfant. Ou pas encore...
(A Suivre)
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