Les nazis ont entrepris la collecte des bijoux en or et des pierres précieuses. Maman ne voulait pas donner son étoile et sa chaîne offerte par papa lors de leurs fiançailles. Mon père lui a délicatement retiré du cou en disant "il le faut, il le faut bien". Lipaz a donné ses boucles d'oreille. C'est dommage, je les aimais bien ces boucles. La vie devient de plus en plus difficile, la communauté doit payer chaque mois une somme considérable aux nazis, et quand nous avons du retard ils viennent. Ils nous emmènent, nous les hommes, sur la place du shtetl.
Sur la place du village, ils ont constitué deux longues rangées de soldats armés de longs bâtons et nous avons dû passer trois fois sous la grêle de coups. Comme je suis grand j'en ai pris plus que mon compte. Au début c'est très douloureux et puis bizarrement au troisième passage c'est plus facile. Je pense qu'on sait mieux se protéger, mais Joseph qui a eu la peau d'une pommette éclatée me dit avec son gros oeil bleu : " moi, je crois plutôt qu'ils étaient fatigués de cogner. On ne frappe pas 112 hommes trois fois de suite sans s'essouffler". On sourit un peu mais cela fait mal aux lèvres tuméfiées. Je suis noir, et j'ai le nez cassé.
Lipaz m'a consolé en me caressant le visage. Je me suis dit que finalement j'avais un peu de chance quand même. Une caresse de Lipaz !
Un jour nous sommes chargés brutalement sur des camions plats. Il fait un froid terrible. Nous avons quelques bagages légers et nous sommes enroulés dans nos couvertures. Tout le shtetl est ainsi vidé en une matinée.
( A Suivre)
Et toujours du vocabulaire neuf.
RépondreSupprimerTes lecteurs seront bientôt des érudits.
à condition que la mémoire ne leur fasse pas défaut!