L’APOLLONIDE – SOUVENIRS DE LA MAISON CLOSE |
Bien que je trépignais de connaître la suite, car tout un monde imaginaire entrait soudain dans notre vie animale, j'interrompis Amogh.
_ Attends, attends ce cul de loup dont tu parles c'est notre abri aujourd'hui, cela signifie que nous sommes dans un endroit jadis occupé par des bûcherons solognots. Les bouteilles que nous avons trouvées leur appartiennent.
_ Il faut croire, et cet alcool rallume des feux éteints depuis longtemps. Mais laisse-moi continuer j'ai peur d'oublier... Heu... Il m'arrive parfois de passer quelques heures au lupanar. J'y allais déjà avant guerre et depuis que je suis infirme j'y ai mes habitudes, on me chouchoute comme un héros. Moi ! Un héros ! Quelle blague. J'ai sauté avec la grenade que voulais lancer, j'ai glissé, je suis tombé dessus... Quel con !
La maison est fort bien tenue avec des filles propres et expertes. Nous y buvons du Champagne, et fumons d'excellents cigares minuscules venus des îles. Céleste, ma femme, s'en doutait bien. Elle préférait cela je crois à une maîtresse. Une maîtresse, j'avais eu une, Hortense, la femme du médecin, mais nous avions rompu sans larmes. Nous ne nous aimions pas c'était une affaire entendue. Elle et son mari sont partis, je crois, en Belgique. Elle était juive il me semble. Son époux était un bon praticien, mais Israélite aussi, donc jamais à la messe ! Et tu imagines ici quelqu'un qui n'irait pas à la messe !!! En Sologne les protestants ne sont jamais venus, la région est trop pauvre tu penses bien. Et l'on dit que des Sarrasins auraient fait souche ici, après la défaite de Poitiers. Des avants gardes se seraient perdues dans ces marais... Ce qui expliquerait le sombre des peaux locales et les faciès rugueux... Mais il a bien longtemps que ces infidèles sont devenus de pieux catholiques.... Heu.... Heu... C'est tout, après tu m'as réveillé.
_ Ah ! C'est trop stupide !
_ Je ne te le fais pas dire. Mais le jour se lève, le « cul de loup » est devenu un cul de basse fosse.
En effet le gîte ressemblait à un ergastule, la boue collait au mur, on s'enfonçait dans le sol jusqu'au cheville. Il était temps de faire ce que nous faisions depuis toujours : partir.
_ Comment je t'appelle désormais ? Hubert de Chrismon ? Comme le nom que tu portais dans ton songe ?
_ Ah bon ? Tu m'appelles Amogh, Absalom ! Amogh ! J'ai déjà oublié mon rêve.
_ Et moi j'oublie ton récit. Ah que l'air est doux ! Et sens-tu le lourd fumet de l'humus ? Prenons à l'Est. Allons dans les montagnes. Le gibier sera abondant et nous n'y avons jamais croisé d'hommes bleus.
_ Les hommes bleus ?
_ Oui, je m'en souviens de ceux-là. Ils vont par harde, le visage barbouillé de bleu, ils poussent des cris et mangent de l'homme... Enfin je crois. Ils ont peur quand on leur souffle dessus, ils ont peur d'une maladie qui tue et qui se transmet par la respiration. Hé ! moi aussi j'ai des souvenirs ! Vive l'alcool de l'autre monde !
Derrière nous une longue flamme s'élevait. Le cul de loup brûlait. En bons barbares nous ne laissions pas de traces. Mais nos fontes étaient lourdes des bouteilles d'alcool exhumées ici. Moi aussi je voulais rêver.
A SUIVRE...
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