dimanche 18 octobre 2020

Secousse 34



Résumé : Pour naître il faut quand même avoir le goût du risque !


Balthazar essuya une vapeur de larme et dit :

- A vous de me dire qui vous êtes Louis Grandclerc.

- C'est le jeu, d'accord, répondit celui-ci. Je suis un homme très ordinaire comme vous. Je suis né par hasard et j'ai grandi de même. Que dire de ma jeunesse ? Elle fut chaotique et hasardeuse. Je m'orientais vers une vocation pleine de charbon et d'esquilles. Il me fallut adhérer à la CGT, mais je n'étais pas communiste, oh non ! J'étais déjà anarchiste, j'avais lu Proudhon, très ennuyeux, et Bakounine et Malatesta. La guerre venue j'ai accompli ce qu'il fallait faire (voir les livres précédents). Bref ! J'ai été déporté à Buchenwald où j'ai retrouvé de vaillants Thouarsais qui m'ont soutenu aux heures graves. J'ai détesté le froid. Je porte, depuis, des charentaises matin, midi et soir. Et aussi une robe de chambre. Je suis devenu bibliothécaire à Thouars. Y-a-t-il métier plus harmonieux ? Nous rangeons les livres, nous conseillons mollement, nous sommes à l'abri de la pluie et du froid. Au fil des fiches le temps passe. Le soir venu des camarades appellent. On les aide. Je suis resté inodore, incolore et sans saveur. J'ai eu tout le temps de lire, j'étais même payé pour ça. La police qui était venue me chercher en 1943 n'est plus la même aujourd'hui, elle a changé certes, l'inspecteur Legrandu est un bon gars, il gronde un jeune qui a dépassé les bornes mais le laisse en paix pour traquer les voyous, les vrais, et particulièrement ceux qui portent cravate. Il n'empêche que je me suis toujours méfié de l'uniforme. On ne se refait pas. J'ai accueilli des enfants perdus. Je n'en tire aucune gloire. J'ai assumé ma tâche. Mon voeu est de n'apparaître nulle part. Je ne suis rien. Rien d'autre qu'un camarade. Votre camarade si vous le souhaitez, Balthazar. Nous autres anarchistes n'avons aucune considération pour les hommages ou les médailles. Savezvous ce que l'on dit de celui qui a reçu la légion d'honneur ? On dit : c'est bien fait pour lui, il n'avait qu'à ne pas la mériter ! »

 (A suivre)

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