Le crime de Thomas
Résumé : A la maison de retraite, le concours de Mikado réservé aux personnes souffrant de la maladie de Parkinson a duré cinq ans, six mois, douze jours, dix-sept heures et six minutes. Le vainqueur Maurice Bojois a gagné par forfait après le décès soudain de son dernier adversaire.
L'article était net et précis, un exemple de journalisme. "Hier vers 19 h, une violente explosion s'est produite dans un champ non loin de Saint-Léger-de-Montbrun, à la sortie de Thouars. La déflagration a fait vibrer les vitres loin à la ronde. Victor Mensonge, habitant Brion, qui conduisait le tracteur est mort sur le coup, son corps a été littéralement « dispersé » sur la parcelle. Il semble selon les premiers éléments de l'enquête diligentée par l'inspecteur de police Legrandu, que le soc de la charrue ait heurté un obus de la dernière guerre. Ce n'est pas la première fois qu'on retrouve des munitions dans ce secteur mais il faut remonter à cinq ans pour déplorer un semblable accident : une grenade défensive avait alors été heurtée par un chasseur. Ces terres agricoles bordent l'ETAMAT (établissement du matériel de l'armée de terre) où des réserves d'obus et de cartouches sont toujours stockées avec précaution. Une partie de ces espaces - aujourd'hui libérée - fut jadis employée comme des sortes de dépôt plus ou moins sauvages de munition. Juste après guerre, alors que les nazis avaient déserté les lieux, des explosifs furent là hâtivement enterrés. Vaguement parce qu'aucun soin réel n'avait été apporté à cette opération. La joie de la libération était grande. En 1945 un accident a fait deux morts, l'année suivante un gigantesque incendie a embrasé le site, il a duré trois jours et a terrorisé la population. En 1952 deux personnes sont mortes dans une explosion. A l'évidence la zone aujourd'hui encore reste dangereuse. La victime Victor Mensonge était célibataire, sans enfant, membre actif d'une paroisse circonvoisine. La police conclut en rappelant que cet automne particulièrement pluvieux a probablement fait remonter cet explosif à la surface du sol. Dernière minute : Les experts qui ont examiné les éclats estiment que l'engin est certainement une mine « S », ou mine bondissante qui est propulsé à hauteur de ceinture pour provoquer le plus de dégâts possible. Elle fut surnommée Bouncing Betty, la Betty sauteuse, par les troupes américaines."
A cet article Marie avait ajouté au dossier secret une note manuscrite beaucoup plus complète :
« Lors de notre dernière réunion, Thomas nous a avoué :
- Je dois d'abord remercier Matthieu. Je suis à l'origine de la mort de Victor Mensonge. Luc a sublimement tué une fripouille d'une balle dans la tempe. Jean a merveilleusement éliminé un salaud de noble tueur d'enfant. Marc a effacé de la surface de la terre une raclure tortionnaire, j'apporte ma pierre à cet édifice sacré en projetant le corps de cet ignoble Victor Mensonge dans les étoiles. Comme vous le savez, j'ai une passion pour tout ce qui explose. Voici quelques mois, j'ai réceptionné un vieux camion dans ma casse ; en le démontant j'ai trouvé, cachées dans un double-fond, des munitions, des mines bondissantes, et une caisse de grenades. Je pense que ce véhicule avait servi à la résistance jadis du côté de Tourtenay. Puis il avait été stocké quelques décennies durant avant d'être découvert au fond d'une cave par un parisien venu s'offrir quelques belles parcelles de vigne sur ce mamelon de tuffeau. Le parisien est venu s'en débarrasser chez moi. Les grenades étaient hors d'usage et les mines aussi, sauf une. Je suis allé l'enterrer sur une parcelle de Victor Mensonge et j'ai attendu quelques semaines les labours d'automne. Et boum ! Victor a engraissé sa terre ! Pourquoi Victor ? Parce que c'était un furieux pédophile ; et plus d'un enfant de choeur, plus d'une communiante ont été contraints de céder à ses vices. Il était gras, il n'est plus qu'atmosphère ! Cette lumineuse conclusion méritait des bulles, nous bûmes un joli crémant de Loire signé Bouvet- Ladubay. »
(A suivre)
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