Résumé : Si Mikhaïl Kalachnikov avait inventé la yaourtière au lieu d'une mitraillette, le monde en aurait été différent.
Luc poursuivait son récit : « Le trafiquant Michel ne pouvait justifier sa fortune, il n'était qu'un modeste métayer. Comment expliquer qu'il avait économisé des millions amassés dans des lessiveuses. Leur contenu fut retrouvé dans des fossés, un peu partout dans le canton. Lorsque les affaires se tassèrent le collabo Gaston revint, mine de rien. Mais ces deux là passèrent leur vie à se détester, ils connaissaient leur secret mutuel. Ils ne pouvaient le révéler sans risquer que l'autre ne dise tout. Il m'a été facile d'aller chez la victime, le vieux collabo, je me suis fait passer pour un vendeur de téléviseur. Il y avait un crucifix dans le salon. Je lui ai mis une balle dans la tête avec le vieux revolver d'un aïeul, j'ai accroché l'arme au tendeur fixé dans la cheminée. Et le reste s'est fait tout seul ! Oui…c'est vrai…j'ai avancé l'argent à ce jeune couple (des voisins) qui acheta la maison abandonnée, oui…c'est vrai…je leur ai conseillé un fumiste de qualité qui sache poser des inserts suédois, j'avoue, j'ai un peu forcé le destin. »
Marie concluait ainsi ce témoignage : « Nous étions tous épatés. Nous avons applaudi longuement Luc. Nous avons bu abondamment car la prouesse méritait bien des libations. Certes tout cela n'était pas moral … Mais ce monde n'avait-il pas été créé par Ialdabaôth le démiurge ? Ialdabaôth le créateur de ce monde qui n'avait aucun sens comme le disait Claude Simon prix Nobel de littérature ; orphelin de bonne heure, ami des anarchistes catalans, il fut épargné alors que son peloton de cavalerie entier avait été anéanti par la mitraille nazie en 1940, il avait dû sa survie à la perte d'un étrier, il chuta, échappant ainsi aux balles meurtrières, Claude Simon avait été sauvé par un appui qui s'était dérobé ! Nous nous sommes quittés tous les six en scandant cette phrase qui était désormais la notre : « Nous sommes au monde mais pas de ce monde ». En journaliste consciencieuse, j'ai écrit plusieurs articles sur ce fait divers, sans jamais dévoiler naturellement la prodigieuse vérité. »
Marie poursuivait : « d'ailleurs les faits divers qui avaient fait la fortune des quotidiens commençaient à être mal vus de la hiérarchie, laquelle issue d'écoles à cravate préférait l'art contemporain qui pointait le bout de son nez un peu partout et même dans ce coin perdu proche de Thouars, à Oiron. La première exposition d'art contemporain comportait un tas de terre. Le maire de la commune faillit s'étrangler le jour du vernissage, et menaça d'égorger le cantonnier qui avait laissé là un gros tas de gravats. Il se calma tout à fait quand ont lui signifia que c'était une œuvre d'art. Laquelle enchanta la femme du sous-préfet. On vit bien plus tard à Melle, dans le sud de ce charmant département des Deux-Sèvres, un tas de graviers signé de la veuve de John Lennon. Trop tard...Oiron avait déjà sévi avec trente ans d'avance ! Jean nous annonça qu'il allait, à son tour, passer à l'action. Et ce fut d'une manière toute aussi extravagante. »
Là s'achevait le texte de Marie, avec néanmoins ce codicille : « sous l'acacia à la 6-4-2 ». Un codicille pour Jean le notaire, cela s'imposait.
(A Suivre)
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