samedi 28 février 2015

vendredi 27 février 2015

jeudi 26 février 2015

massacre 19


19

Résumé : Le merlot, c'est bien le merlot pour écrire, tanique sans être brutal, il est comme le cabernet franc riche en évasion ; son seul handicap c'est qu'il provoque trop d'adverbes. L'adverbe c'est comme l'alcool, il en faut, mais pas trop.


_ Jeudi dernier ? Qu'est-ce que je faisais en gros ? Ben... comme d'habitude, mon boulot ! Je ne me souviens pas il suffit d'aller voir l'agenda de la rédaction. Et le soir j'ai joué sans doute au tric-trac comme d'habitude avec le dentiste Plouendec Karantec. Il te confirmera, même si les gens pensent qu'il ment comme un arracheur de dents... (Silence lourd comme le sont les silences pathétiques).
_ Tu crois que c'est l'heure de plaisanter ?
_Mais tu t'imagines bien que je ne suis pour rien dans cette histoire. Legrandu tu me vois violer et tuer une fillette ?
_ On va vérifier tout cela. Montre moi ton carnet de notes, je sais qu'il ne te quitte jamais.
_ Ben justement … je l'ai perdu. J'étais chez Louis Grandclerc quand je me suis aperçu de sa disparition.
Legrandu soupira. La défense de Balthazar était pathétique comme ses silences.

Tous deux prirent une auto de service banalisée et se rendirent au journal.
Heureusement la secrétaire était rentrée chez elle en laissant sur le bureau de Balthazar une note longue comme le bras. On l'invitait à rappeler d'urgence Niort, son chef ( douze mentions), le chef adjoint (huit appels), le cul de plomb ( secétaire de rédaction, celui qui met en page et n'a jamais mis les pieds sur le terrain, ce qui ne l'empêche pas d'avoir des avis très autorisés sur ce que disent, ce que pensent, ce que veulent les gens, bref... un vrai con). L'inspecteur de police et le journaliste cherchèrent ce foutu carnet de notes. Ce fut un peu long car une rédaction est une manière de capharnaüm. On y trouve de tout : 68 bouteilles vides, 4 pleines, une enveloppe avec de l'herbe dedans, une très vieille boite de préservatifs pas entamée, des rubans tricolores ( ceux qu'on donne aux inaugurations), des bouchons en pagaille, des stylos entamés et mâchés, deux ou trois lettres d'insulte... bref toute une vie pathétique de journaliste.
_Bîîîîp fit le Mufax, cet appareil dont on a déjà parlé et qui est bavard. Il transmet des informations. C'était justement la morasse qui tombait. La morasse est cette esquisse de la page du lendemain.
Legrandu s'y pencha et lut ce que lecteur était sensé découvrir à J+1 c'est à dire, justement, si on va par là, le lendemain.
A savoir :
un billet 

_ Tu vas encore te faire un copain : le receveur principal de la Poste ! Constata Legrandu.
Balthazar leva les yeux au ciel. Sur la page il y avait aussi ( comme d'habitude) un départ en retraite de cheminot, un autre sur une noce de diamant, encore une ! ( 60 ans de mariage !!! Putain 60 ans avec le même mec et la même gonzesse …) et le papier de tête ( ce qui est en haut de page) sur deux anciens résistants déportés héros simples et lumineux, Gérard Pichot et Robert Sibileau, etc.

Il poussa un carton plein de vieilles photos et trouva derrière, le carnet de notes, sous un sandwich entamé !
_ Ah tout de même ! Voici l'autre partie du puzzle !
_ Un puzzle à deux pièces tu me fais un beau champion !
Legrandu foudroya du regard Balthazar
A Suivre lundi...

Balthazar sur un air de Flynn

mercredi 25 février 2015

Massacre 18





18

Résumé : le gewurztraminer a bien des qualités aussi, il provoque de belles envolée, mais il a tendance à forcer sur l'adjectif.




De la place Lavaud au commissariat il faut compter quatre minutes en voiture. Avec un gyrophare comptez trois minutes. Je donne ces précisions pour les malheureux qui ne connaissent pas Thouars et qui voudraient un jour faire un pélerinage sur les lieux de ce roman. En revanche pour aller de Saint-Généroux à la place Lavaud il faut compter beaucoup plus, au moins une bonne vingtaine de minutes, sans gyrophare et sans contrôle d'alcoolémie.
Balthazar fut conduit dans le bureau de l'inspecteur Legrandu. Assis sur une chaise métallique , l'un des bracelets des menottes passé autour du tuyau du radiateur. Le commissaire avait été promu à Saumur, et encore une fois c'est Legrandu qui assurait l'intérim. Il se tapait double labeur et attendait avec impatience le nouveau commandant de police. On annonçait une femme ! Tant pis ! Legrandu était impatient quand même. Pourtant, comme disait Raphaël un collègue de Balthazar : « quand les femmes arrivent dans une profession, le métier agonise ». Je lui laisse la responsabilité de cet oracle. ( Pour toute lettre d'insultes sachez seulement qu'il travaille désormais à Tours...)

On a déjà décrit le bureau de Legrandu dans une précédente histoire. Un bureau de flic, triste et mal aéré. L'atmosphère avait des relents de remugle et de pieds. Legrandu est célibataire, il ne possède que la photo de son chien sur son bureau. C'est un bon flic. Honnête et travailleur on ne lui connaît d'ailleurs aucune passion à part son boulot ( et une amourette avec Mathilde la femme de l'ancien flic – voir « Panique à la Maison Poulaga »). Peut-être va-t-il à la pêche... et encore... la canne en bambou que ses collègues lui ont offert pour son départ (oui, on a cru un jour qu'il était muté, on fit un cadeau et l'on versa du mousseux tiède dans des verres en plastique, mousseux servi avec des croquettes au fromage... mais la mutation n'arriva jamais) la canne à pêche sortie un dimanche de pluie, revenue bredouille, fut rangée dans l'armoire métallique.
Legrandu entra. Il avait une gueule à faire peur.
_ Alors voilà les faits. Ecoute bien Balthazar. La petite Monica a été enlevée. Sa mère qui vit seule et se drogue n'a signalé sa disparition que tardivement. La fillette tu le sais a été retrouvée, dans... dans l'état que tu sais. Et dans sa main on a retrouvé ce papier !
Il montra le feuillet qu'il avait déjà jeté au visage du journaliste, il l'avait plié en deux.
_ Tu le connais ce bout de papier, il provient de ton carnet de notes. Tu es donc le suspect numéro1. Je ne peux pas y croire, mais les faits sont atrocement tétus. On attend les résultats de l'autopsie. Que faisais-tu jeudi dernier ?
_ A quelle heure ?
_ En gros jeudi.
Balthazar ne protestait pas de son innoncence avec véhémence. Legrandu qui avait vu passer bien des fripouilles, ne fut pas autrement surpris. C'est le coupable qui tempête en premier. Mais pas toujours.



A SUIVRE

mardi 24 février 2015

Massacre 17




17

Résumé : Je me demande si le cabernet franc n'incite pas à la gaudriole et si le chenin, ou le sauvignon n'inclinent pas à la gravité. Comme dans un récit il faut un maillage de sentiments, il est nécessaire de passer de l'un à l'autre.




On a trouvé dans la menotte d'une fillette anéantie une feuille du carnet de notes de Balthazar et quelques phrases de sa main. Alors Balthazar est devenu fou. Il n'a pas fermé la rédaction, il n'a pas branché le répondeur. Il est monté dans l'auto de service et il n'a pas bouclé sa ceinture de sécurité...

Il est passé devant le café des art sans s'arrêter, c'est dire s'il était bouleversé. Il a foncé droit devant lui. Il a abandonné sa voiture à Saint-Généroux. Il a filé en contre bas du pont et a marché comme un fou.

Il avait la nausée. Il titubait. Jadis il avait aimé ce bord de rivière, là où le Thouet trouve des grâces délicieuses et alanguies. Les algues y sont comme de fragiles oriflammes. Les frênes infusent la lumiére, s'inclinent en amis et caressent le flâneur. Et des peintres sont venus là pour tenter de saisir ce miracle. Il marchait dans cette extrême solitude qui l'avait escorté toute sa vie. Il cherchait et ne se rappelait pas le visage de cette fillette. Se pouvait-il que, dans son extrême ivresse, en quittant Grandclerc, il ait pu commettre cette horreur ? Il interrogeait sa mémoire qui restait vide et niaise. Il aurait voulu s'ouvrir le crâne et fouiller dans sa cervelle en hurlant des insultes. Une cervelle, comment dire... mucilagineuse.

Il franchit le gué. Il traversa un village assoupi. Il déboucha en haut sur une route. Il leva le pouce au passage d'une auto. Le conducteur était un voyageur de commerce en passemanterie qui lui parla de rubans, de faveurs, de passe-lacet, de feston ; et le déposa – pour finir – en centre ville. Balthazar s'assit sur les marches des halles fermées. C'était un lundi. Devant lui la place Lavaud, immense et laide s'étalait, vulgaire. Les municipalités successives avaient bien promis d'aménager cet espace qui aurait pu être très beau sous une voute de platanes. Mais les municipalités ne tiennent jamais les paroles, en revanche elles s'accordent des augmentations d'indemnités qu'elles n'ont jamais promises. Etrange paradoxe du pouvoir.

Balthazar resta là, prostré. Une voiture de police croisa par trois fois devant les halles et au quatrième passage le cogne de service, ayant reconnu celui qu'on cherchait depuis des heures, enfonça la pédale de frein. Il surgit arme au poing et gueula :
_ A terre ! À terre ! Les mains sur la tête ! Les mains sur la tête.
Il menotta Balthazar et saisit sa radio.
_ Je l'ai, je l'ai ! Oui, oui ! Je le conduis au commissariat, oui, oui, au commissariat .
Balthazar soudain redevenu lui-même lui demanda :
_ Mais pourquoi répétez-vous toutes les phrases ?
Et l'autre tout excité hurla
_ Toi ta gueule, toi ta gueule !

A SUIVRE …

lundi 23 février 2015

Massacre 16





16

Résumé : Il y a des jours avec et des jours sans. Aujourd'hui c'est “sans” … Pas de résumé. Ou alors un résumé qui n'en est pas un, un résumé qui ne fait pas la part des choses, qui ne fait pas dans le concis, qui va son chemin en rêvant.Un résumé qui digresse, qui prend les sentiers de travers et baguenaude, qui fait l'école buissonnière et sèche les cours de français puisqu'on y enseigne aussi les poétes pompiers, car il y a des poètes pompiers comme il existe des peintres pompiers.





Sous les yeux stupides de Balthazar l'inspecteur Legrandu tendit un papier. En gémissant il le frotta brutalement sur la joue de Balthazar qui ne comprit pas. Ou ne voulut pas pas comprendre, effrayé par le geste de son copain, il prit peur et partit en courant.

Pour dire vrai, en zigzagant.




Fin de cette séquence.




Le temps passa encore.




Et encore.




Le téléphone sonna.




C'était l'inspecteur Legrandu




_ Allo ? Ecoute. Dans la main de la fillette on a trouvé un papier... Ce papier... Ce papier... eh bien... il ressemble à l'une de tes notes. Ne dis rien ! Un papier découpé dans un ancien fax... Ou une chute d'imprimante... Cela vient de chez toi. Cela vient de ton journal, de ces chutes de papier que tu vas faire découper au massicot chez ton pote imprimeur et que tu utilises comme feuilles de notes. Putain ! Je t'ai vu mille fois écrire là-dessus. Au recto ton écriture que je connais bien, une écriture laide, une écriture de pochetron...La tienne...Dis-moi que tu n'y est pour rien !

_ Je ne comprends rien à ce que tu me dis !

_ On va venir t'arrêter Balthazar !




Le journaliste raccrocha. Soudain son esprit était affûté, vif, net, sans une goutte d'alcool. Il était d'une lucidité de belle qualité, presque extralucide. Il avait déjà vécu cela dans une autre vie, un soir d'ivresse et de contrôle d'alcoolémie. Apache, son amie, qui conduisait, s'était soudain vidée de tout alcool et, devant les yeux incrédules des gendarmes, afficha un magnifique, un insolent, Zéro !

Il sentait que l'heure était grave. Il saisissait soudain tous les détails de la vie que se déroulait autour de lui. Il entendait le minuscule et obstiné charivari de l'araignée qui raccommodait sa toile dans les WC mitoyens. Il partageait la pulsation électrique de la petite lampe rouge dans l'armoire de télécommunication. Peut-être même lévita-t-il un bref instant. Il était en relation avec le monde, comme le sont les saints, mais il ne comprenait rien à ce qui lui arrivait. Le téléphone sonna encore, c'était le secrétaire de rédaction qui appelait pour proposer un titre différent au papier de la catherinette :

_ Au lieu de « Exploitée mais coiffée » comme tu as mis, si on publiait plutôt «Oh le beau couvre-chef coloré» ?

Balthazar, pardonnez-lui, répondit

_Vas te faire breveter colonial . (sous-entendu avec un manche à balai,ce qui est – j' en conviens – assez vulgaire mais explicite).

L'instant était grave. Jugez-en ! Et ce n'était que le début.



A SUIVRE...

dimanche 22 février 2015

Massacre 15







15

Résumé : Ce récit entamé en juillet 2014 a été abandonné en cours de route, l'été avait d'autres attraits. Je n'avais pas envie de poursuivre, parce que moi, je savais...Et qu'on arrive au cœur du drame.




Balthazar avait regagné, en titubant, la rédaction. Il était 5 h du matin.Il restait encore 4 h avant que Martine, la secrétaire, n'arriva. Le répondeur affichait 18 appels. 18 vains appels.

Balthazar s'assit et s'effondra sur son bureau.

8 h 45 coup de téléphone. C'était Moustache le sapeur-pompier anarchiste. Il sanglotait :

_ Une gamine de 5 ans, violée, a été poignardée dans un carré de betteraves, dans les jardins ouvriers, sous l'ancien abattoir , au numéro 79. Balthazar y fila, dans un état second. Mais il y avait un cordon de flics, des jeunes, des types à gueule de tueurs. Au loin Balthazar aperçut la silhouette de l'inspecteur Legrandu (lire TOUT ce qui a été publié avant). Legrandu c'est son pote, c'est un bon flic ( oui !!! il y en a). Alors Balthazar en s'accrochant à un piquet ( il avait encore à 2,5 g) l'appella :

_ Legranduuuuuuuuuuuuuu ! Camarade Legranduuuuuuuuuuuuuu !

L'autre fit mine de ne pas l'entendre. Mais d'un geste fluide de la main lui fit un signe secret. Enfin... secret... il lui montra au-delà de la vallée une fenêtre qui suplombait la rivière.

Balthazar fit demi-tour et partit attendre devant la maison que l'inspecteur avait discrètement indiquée. Balthazar la connaissait bien. C'est le « pied de cochon » une sorte d'amicale où viennent ceux qui aiment la compagnie. Un club pour ainsi dire, mais en moins anglais et plus en Formica.

Au bout d'un long moment l'inspecteur Legrandu arriva.

Il était pâle.

Il dit :

_ C'est atroce !

_ Quoi ?

_ Une fillette massacrée. Ô je n'ai jamais vu cela ! Une gosse. Une gosse rouge de sang. De la tête aux pieds. Elle a été violée. Elle a été égorgée. Il y a du sang séché partout. Et sous son corps... Merde … Sous son corps... Dis mois que ce n'est pas toi Balthazar …

L'autre était stupide, il décuvait. Il ne se souvenait pas … Il avait trop bu... Où était-il hier ?
 _Quoi ?

_ Dans sa main Balthazar... soupira Legrandu.

Le flic pleurait... (C'est rare)

_ Dans sa petite main... Il y avait ça !!!



A SUIVRE...

Flux et reflux

Amies et amis lecteurs et lectrices.

Un blog fonctionne mieux quand il a du flux, c'est-à-dire de la connexion.
Si vous avez un vieux papa qui s'ennuie, un cousin un peu dépressif, une jolie cousine, un(e) voisin(e) ravissant(e) à qui vous ne savez  pas quoi dire, alors proposez leur de s'abonner au blog.

Ensuite une demande de confirmation arrive dans la boite courriel de l'impétrant, ( c'est en anglais, on n'est toujours un peu snob !) et il suffit de cliquer sur le lien bleu. Ensuite un avis tombera directement dans la boite de l'abonné(e) pour la rappeler au bon souvenir du blog

C'est gratuit et cela tient compagnie.
Mais si vous ne voulez pas devenir agent de propagande
 c'est votre liberté, et je vous aimerai quand même.

samedi 21 février 2015

La phrase romanesque

Je connais un dentiste à Epinal qui a fait son devoir dans le même régiment que moi, et il a le même nom que le petit bois qu'on traversait pour atteindre le champ de tir.
(Tedi)

Bientôt les cantonales


jeudi 19 février 2015

Massacre 14




14

Résumé :suite du codicille a la pétition de l'éditeur « en conséquence je vous enjoins d'augmenter sensiblement mes émoluments. Faute de quoi j'écrirai du porno pour vos concurrents ».




Louis Grandclerc raconta sous le sceau du secret ( c'est pourquoi lectrice inconnue et lecteur jamais vu, il faudra garder cela pour vous, j'ai confiance, alors continuons) :

_ Balthazar ! Ce cadre que j'ai sauvé de l'incendie et qui vient de la maison de mon voisin... Mon voisin que je ne connais pas... Mon voisin je le connais...Ô oui je le connais. Pendant la guerre, il était chef de la milice, ici, à Thouars . Il inscrivit mon nom sur une liste d'otages en fin 1943, sans connaître d'ailleurs mes activités clandestines pour la Résistance mais sans ignorer mon passé anarchiste pendant la guerre d'Espagne ( voir le secret de Marcel et Marcelle Marcel dans « Chroniques Noires à Thouars » editions Legestenoir). Et je partis dans un wagon plombé après quelques mois à Fresnes... Terminus : Buchenwald … Buchenwald !

Balthazar n'avait jamais vu pleurer Louis Grandclerc. Et les larmes sont toujours choses troublantes.

En bon journaliste, Balthazar ne dit rien... Il laissa aller le silence.

_ Buchenwald... le petit camp... La boue pour couche... Un croûton de pain, parfois, pour repas … Savez-vous...

…Silence.

_ Savez-vous ? J'ai mangé du cadavre... J'ai mangé de l'homme... En compagnie de mon ami là-bas, Luigi, le Gitan.



Tous deux pleuraient, autant d'ivresse que d 'émotion.

Le temps passa, comme il sait le faire, sans bruit.

_ Vous voulez dire que votre voisin est celui qui vous a dénoncé ?

Demanda Balthazar.

_ Oui ami ! Il est là en photo dans le cadre, une photo prise en 1943 devant le théâtre de Thouars. Il est en uniforme de la milice. Je ne l'ai pas reconnu quand il s'est installé il y a six mois, il avait changé avec le temps, mais là c'est net ! Il a brûlé comme on brûlé tant de ses victimes, dans les fours. Ah ! il y aurait donc une divine justice ?

_ Buvons ! Ami ! Balbutia Balthazar.


Ils burent donc, car dans ces situations atroces c'est la seule et minuscule, sortie. Balthazar voulut noter ce moment. Mais il ne trouva pas son carnet de notes. Il était saoul.

Le temps passa encore.

Ils se réveillèrent après avoir dormi à même table la table.

Louis Grandclerc sentait la fumée. Balthazar avait un torticolis.


Sans bruit Balthazar se leva, ferma la porte, tira le portillon. Aucun chien n'aboyait. Le soleil se levait sur une journée qui s'annonçait cruelle.

A SUIVRE LUNDI.

Balthazar et Zimboum : une troublante expérience de parapsychologie (archive)

mercredi 18 février 2015

Massacre 13




13

Résumé : codicille à la pétition à l'éditeur : « Non seulement je me tape tout le boulot mais en plus je gagne une misère. Balzac déjà de son temps était poursuivi pas les huissiers ! Et vous voulez roulez en voiture allemande. Est-ce bien naturel ? ».



Balthazar et Louis Grandclerc s'enivrérent à la justice dont le seul mot est déjà en soi une ivresse absolue. Combien sont-ils nos frères qui laissèrent sur cet autel sans cérémonie, leur peau, leurs années ?
C'est une belle idée, savez-vous... jamais perdue. Il lui faut juste du temps pour trouver son terreau. Prenez Marcion dont on ne sait rien : ses écrits “antithèses” jugés hérétiques ont été brûlés, on en connaît que l'image en négatif développée par Tertullien qui écrivit “Contre Marcion”, eh bien les idées de Marcion ont traversé les siécles comme les aigrettes de pissenlit s'envolent au hasard des terres hospitalières. Tout a été fait pour que Marcion soit effacé des mémoires, il est là, toujours présent, seize siècles plus tard. N'est-ce pas bouleversant ? Et la Commune de Paris : trois mois dans l'histoire du monde et quelle trace ! Quelles semailles étourdissantes !

_J'aime la justice! Mais encore ? Demanda Balthazar en achevant un grand cru saint émilion de Christophe Pueyo qui allumait dans son esprit d'émouvantes images et des sourires anciens. 

Alors Louis posa son verre a demi-plein d'un champagne de Jérôme Bourgeois-Diaz aux bulles d'une finesse extrême et d'une saveur délicate comme l'est, à l'oreille, un friselis de jupon ( Blaise Cendrars avait transformé ce mot en frisoulis, et il avait raison). Tous ces vins honoraient leur promesse.Quelle leçon ! Ah s'il fallait voter pour des vignerons ! le mal de l'abstention serait combattu. Oui, je sais, la fédération anarchiste invite à s'abstenir, et moi j'invite à voter noir. Bef, Louis Grandclerc posa son verre et regarda fixement Balthazar

_ Je vous demande votre parole d'homme.

_ Vous l'avez je n'ai rien de sacrée que ma parole.

_ Alors voilà... Le feu a pris chez mon voisin. Je m'en suis aperçu au milieu de la nuit quand une lueur a traversé la rue devant ma fenêtre. Bien sûr je suis sorti. Bien sûr j'ai voulu entrer dans la maison. La chambre était un brasier. Il était dedans... Je veux dire mon voisin était dedans. C'était un très vieil homme à moitié impotent. Il avait emménagé il y a six mois. Je ne le connaissais pas. A peine l'avais-je aperçu lors de son emménagement. Alors comme on fait dans ces cas, on sauve ce qu'on peut... Pour les enfants s'il y en a... Pour faire quelque chose de ses mains soudain vaines... J'ai donc sorti une chaise.. Une télé... Un chien... Un cadre qui était dans le vestibule… Putain ce cadre … Putain ce cadre Balthazar ! Ah Buvons ! Ami buvons !

Balthazar qui était un homme délicat ne posa pas de question et but.

On sortit alors une bouteille de Jean-Jacques M. Un vigneron brûlé dans sa passion du vin. Mort de cette façon dont meurent ceux qui ne sont pas compris.

Le temps passa sans effort. La cave n'avait jamais connu pareille offensive. Le répondeur, à la rédaction, accumulait les appels du chef furieux de ne pas lire, dans la copie envoyée quelques heures plus tôt, un texte sur Albert Ichon.

Le temps passa entre les deux compagnons. Ils avaient vécu tant de choses déjà ( lire TOUT ce qui a été publié là-dessus).

Enfin Balthazar trouva les mots

_ Me direz-vous ? Ami ?

Louis Grandclerc leva ses paupières mouillées et commença son incroyable récit.

_ Soyez attentif. Je vais vous faire une confidence, je vous livre un secret.




A SUIVRE.




mardi 17 février 2015

massacre 12

Vous aurez remarqué que, sur ce dessin Moustache n'en a pas. C'est pour qu'on ne le reconnaisse pas, pour qu'il n'ait pas de tracas avec ses chefs, il en a assez comme ça. Mais lui, il se reconnaîtra.




12

Résumé : Pas de retour de la pétition ! Une seule signature : la mienne ! L'anarchie est une longue et cruelle solitude.

Moustache, le sapeur-pompier ami de Balthazar, appela au téléphone. Moustache s'était naguère opposé à son officier. Syndiqué, il refusait de saluer les couleurs dans la cour de la caserne. Il ne se considérait pas comme militaire en dépit de l'uniforme. Et cela mena à une querelle. Et la querelle conduisit à une grève. Et Balthazar fut du côté des grévistes avec d'autant plus d'aisance qu'ils disposaient d'une buvette fort bien garnie alors que le capitaine (pourtant Breton d'origine) ne buvait que de l'eau.

Bref Moustache appela au téléphone :

_ ça brûle chez le voisin de Louis Grandclerc !

Note de l'auteur : il est bien trop tôt pour aller voir Louis Grandclerc. L'histoire n'est pas dans sa derrière ligne droite ! Elle commence à peine même. D'ordinaire quand Louis Grandclerc se pointe il reste deux, trois, quatre épisodes maxi ...

Mais là ?

Mystère !

Balthazar avala son vin blanc, vérifia qu'une pellicule était engagée dans son Minolta, ferma la rédaction, brancha le répondeur ( eh oui, tout ça), ferma la porte de derrière, ouvrit l'auto de service, posa son carnet de notes, son appareil photo et le flash sur le siége du passager, enfila la clef dans le contact et démarra. Derrière la gare il ne restait pas grand chose du pavillon. Seulement une carcasse fumante qui puait. Et des meubles, des sacs, des ustensiles posés en vrac sur la pelouse, sauvés qu'ils avaient été des flammes. Dans les cendres chaudes on retrouva un corps noir comme un charbon de bois mais tout recroquevillé.

Là, Balthazar croisa Louis Grandclerc qui souriait mystérieusement.

_ Suivez-moi, lui souffla Louis.

Tous deux allèrent dans le pavillon voisin, celui de Louis Grandclerc

Un petit pavillon en pierre avec un jardinet à légumes derrière et un parterre à roses devant. Sous la poignée de la sonnette un panneau « attention au chien ». Et une petite plaque de cuivre gravée au nom du propriétaire : Louis Grandclerc. Il n'y avait jamais eu de chien ici.

_ Buvons ! Cria Grandclerc.

Balthazar ne l'avait jamais vu ainsi, joyeux et triste à la fois. Il riait et pleurait.

_ Putain de merde buvons Balthazar ! Buvons ! D'ordinaire calme et doué d'une langue plutôt élaborée Grandclec semblait métamorphosé.

Donc on but. Abondamment : du Duhomard ( l'apéritif de Thouars), puis plusieurs bouteilles de Nicolas Reau dont un splendide Victoire 2012 fin et souple comme une jolie fille svelte, et du Champigny de Bruno Dubois ample et vaste comme une province, et de l'Antoine Sanzay grand et profond comme un labour d'automne, et du Bruno Richard alias « Garçon » un merveilleux pétillant si joliment baptisé « ventre glisse ». Le temps passait joliment aussi.

Puis furent débouchées une belle bouteille de Dominique Joseph alias “Pelo” un Saumurois qui avait signé une magnifique cuvée baptisée avec pertinence “Cré-scen-do” vu quelle montait en charme comme une danseuse byzantine ondoyant sur un baladi, puis un ample Chinon de Gérard Marula le “clos de Baconnelle” 2010 déclassé de l'appellation pour “atypicité” mais quelle classe il avait avec sa saveur de patte d'amande, et pour finir un Thierry Germain, la cuvée Marginale, un concentré d'émotions qui pouvait vous faire monter les larmes aux yeux ! Belle bordée s'il en fut ! Que du bon, que du naturel. Pas bobo la tête et des splendeurs en bouche.

Balthazar trinqua à chaque bouteille. Puis il finit par demander :

_ Je bois avec joie et vigueur. Mais à quoi buvons-nous ?

_ A la justice Balthazar ! Y a-t-il plus belle cause ? Je vous explique, reprenez un verre de Nicolas Reau et soyez attentif. Je vais vous faire une confidence, je vous livre un secret.



A SUIVRE

lundi 16 février 2015

massacre 11








11

Résumé : Projet de lettre : « Monsieur l'éditeur. Vous aurez remarqué qu'ici c'est moi qui fais tout. J'invente, je créé, j'écris, je dessine... »suite de la lettre à l'éditeur «... non seulement je fais out ici , mais il me faut parfois aller dédicacer, et devenir comme une sorte d'animateur en tête de gondole dans les grandes surfaces. Mes amis anarchistes se moquent alors copieusement de moi...De plus on n'y sert que de l'eau !



C'était le gars de la « secrète » son pote des RG, celui avec lequel il avait appris à monter et démonter un FAMAS ( fusil d'assaut) les yeux bandés au 3e Rpima ( les paras de la coloniale).

_ Alors p'tite bitte tu joues les héros ? Tu viens de te foutre Albert Ichon à dos, et ce Pékin ( consultez le dictionnaire militaire) n'est pas un métro (politain) ( sous entendu une merde). Il a des potes haut placés, très haut placés.

_ Il est breveté colonial ? ( alors là, c'est aussi du langage de bidasse codé... et cela se situe en dessous de la ceinture mais côté dos...).

_ Ben oui plutôt... Écoute, mais je ne t'ai rien dit hein ? Il fait partie des réseaux Gladio ! C'est chaud pour toi. C'est un ancien de l'OAS. Tu es dans la merde si tu rentres pas tout de suite dans le rang.

_ Je ne suis pas un égorgeur ! ( un conseil : lisez « Les Égorgeurs » de Benoist Rey aux éditions libertaires).

_ Moi non plus ma couille. C'est pour cela que je t'appelle et t'avertis.


Note de l'éditeur : assez de parenthèse dans cet épisode.


Note de l'auteur : ah bon ?


_ Merci caporal ( Balthazar appelait par son grade son pote des RG parce que c'était son grade et que cela fait toujours plaisir à un gradé, même si c'est un grade très mineur. D'ailleurs savez-vous qu'on hurle : garde-à-vous quand un officier entre dans la chambrée. Et A vos rangs fixe ! Quand c'est un officier supérieur. Saviez-vous cela ? C'est fou ce qu'on apprend comme chose utile à l'armée... Mais avant qu'un officier supérieur n'entre dans une chambrée qui pue par nature la chaussette et la sueur, il faut un motif. Je l'ai vécu une fois... Il faut dire qu'un FM ( une mitraillette) avait disparu dans le régiment et la sécurité militaire était sur les dents !!! Bigre une parenthèse dans la parenthèse... )

Il faut là encore faire une digression.

Le réseau Gladio était une organisation secrète mise en place par les Ricains après la dernière guerre. Dans l'éventualité où les « Cocos » ( communistes) envahiraient l'Europe. Cette organisation fondée sur l'expérience de la Résistance pouvait préparer la venue des « libérateurs » Yankee. On juge aujourd'hui de la pertinence de ce jugement !

Il reste qu'un type des Gladio n'était pas un enfant de chœur, même déniaisé par un curé de campagne... pardon pour cette faiblesse mais on tape dans le dur désormais et tous les coups sont permis ainsi qu'on va le voir.



A SUIVRE

dimanche 15 février 2015

Massacre 10




10

Résumé : Tiens ! J'y pense, je vais écrire une pétition contre mon éditeur. Vous la signerez ; hein ?




Il reste que Balthazar dérogeait aux lois élémentaires de la presse. La règle aurait voulu qu'il reste neutre et évoque, au moins brièvement, les ambitions d' Albert Ichon, ce gros con...

Bon ce n'est pas du Baudelaire mais ça rime.

Mais comment rester neutre face à des fachos ? La stratégie du journaliste était simple : les laisser mariner dans leur jus longtemps. Et lorsqu'il serait temps : les sortir de cette macération afin que chacun puisse juger de leurs relents nauséabonds.

Ce qui devait arriver arriva : le directeur départemental, alerté par Albert Ichon, appela la rédaction de Thouars.

Il appela trois fois, puisque les deux premières, Balthazar regardant au plafond ne vit pas qui l'appelait et que c'était,de surcroît, l'heure de l'apéro.

_ Allôôôôôôôôô . Dit-il d'une voix suave, une de ces voix que seul le Duhomard ( c'est l'apéro de Thouars en vente partout en ville) savait – non pas adoucir – mais rendre voluptueuse, avec cette sorte d'inflexion – non pas tendre – mais goguenarde sans qu'on sache si c'est du lard ou du cochon. Allô donc.

_ Ici ton chef ! Qu'est-ce que c'est ce bordel ? Tu ne veux pas annoncer la candidature d'un candidat ? ( On appréciera la précision de la phrase). Tu es journaliste ou quoi ? Tu veux que je t'envoie un CDD pour faire ton boulot ? Albert Ichon vient d'appeler, il est furieux. Il a des appuis. Tu commences à me casser les couilles Balthazar ! Nous ne sommes pas là pour dire ce qui est bien ou mal ! Nous sommes là pour servir l'information. Il n'y a pas de plus noble mission.

_ Ah ? Et faire une page de reportage publicitaire pour l'Hyper bouffe c'est une noble mission ? Echanger un papier contre une annonce pour une librairie d'extrême droite c'est noble ?

_ Rien à voir ! Ce sont des annonceurs ! Eux nous font bouffer ! Tu es « has beeen » Balthazar ! Tu deviens un vieux con ! Fachos ou pas Albert Ichon mérite notre respect !

_ Cher chef, vous êtes chef et donc vous n'êtes pas un imbécile. Vos paroles ont du sens. Je vous demande donc de bien vouloir me mettre noir sur blanc votre dernière saillie. Le syndicat sera ravi de lire cela. Si vous ne le faites pas, c'est que vos paroles sont du vent.

_ Vas te faire enc......er.

Ainsi s'acheva l'une des conversations ordinaires entre Balthazar et sa hierarchie directe. Il faut dire que les chefs avaient changés avec le temps.

A part quelques « buttes témoins » présentées comme on arbore des décorations, c'est à dire sans valeur, les nouveaux chefs étaient nuls.

Passer un chapitre entier là-dessus était nécessaire mais douloureux.

C'est alors que le téléphone sonna derechef.

_ Qui est-ce ? Se demanda in petto Balthazar en lisant sur l'écran de son téléphone « appel masqué ». Encore un franc-maçon ?

Mais le téléphone sonnait, sonnait, sonnait. De guerre lasse le journaliste décrocha :

_ Allôôôôôôôôô .

Une voix à l'autre bout :

_ T'es fou ?



A Suivre...

Mac Ronay : un géant !

samedi 14 février 2015

vendredi 13 février 2015

L'aphorisme de la semaine

Pris sur le fait, le pickpocket a pu vérifier 
que je n'avais pas ma langue dans ma poche !
(Jean-François Mathé) 

Au théâtre aussi

Le théâtre de Thouars, dont on sait l'audace, accomplit un nouveau pas vers un nouveau monde : un monde qui rend moins bête. Il vient d'ouvrir un dépôt des livres libres, ces livres écrits par des Thouarsais, édités pas des Thouarsais, distribués gratuitement par des Thouarsais. Gratuitement ? Pourquoi gratuitement ? Pour le plaisir, pour nourrir un esprit libertaire, pour montrer que c'est possible.
Merci au théâtre.
On trouve aussi ces mignons petits livres chez Emmaüs.
Ils sont toujours gratuits !

Conte express : dans l'arène Kevin se rebiffe

Dessin de Travis Louie


ambiance musicale ici :https://www.youtube.com/watch?v=eo8vW_0H_Kg


Kevin était intermittent du spectacle au Puy du Fou. Dans l'arène, il était le gladiateur qui mourait le premier. Un jour il en eut assez. Il pensa très fort à Sénèque, lequel  écrivait à Lucilius :

"Le hasard m'avait fait tomber en plein spectacle de midi; je m'attendais à des jeux, à des saillies, à quelque divertissement où l'oeil de l'homme pût se reposer de la vue du sang humain. C'est le contraire. Les précédents combats étaient, en comparaison oeuvre de pitié. Finie maintenant la bagatelle! C'est le pur et simple assassinat. les combattants n'ont rien pour se couvrir. Toute leur personne est exposée aux coups; eux-mêmes ne frappent jamais à faux. Ce genre de travail intéresse le grand public plus que les exhibitions de «couples» ordinaires ou favoris. Et la préférence se comprend. Ici, pas de casques, pas de bouclier qui arrêtent le fer. Pourquoi des pièces de protection? A quoi bon les passes savantes? Tout cela ne fait que retarder la mort. Le matin, on expose des hommes aux lions et aux ours; à midi, à leurs spectateurs. Contre celui qui le tuera chaque tueur est exposé par ordre de la foule. On garde le vainqueur pour un nouveau meurtre. Quelle issue?"

Le gladiateur qui meurt le dernier est-il plus heureux ? Oui sans doute puisque telle est la destinée de l'homme. Donc Kevin en eut assez. Un jour il refusa d'être le premier sacrifié. Il tint tête et étrangla de ses mains son adversaire, lequel mourut dans la stupeur. Le spectacle fut alors plus vrai que nature et le public exulta.

Au président des assises Kevin répondit :

_ " Qui êtes vous pour me juger ? vous ne savez rien des hurlements de la foule !"


Voilà, c'est tout !

jeudi 12 février 2015

Massacre 9




9

Résumé : Je ne sais pas si c'est bien d'écrire à jeun. J'ai tout essayé, je n'ai pas encore trouvé la bonne formule ... disons le bon degré.

Le temps passa comme il sait le faire, mine de rien, avec ce petit air fourbe que le mois de mars distille perfidement. Mi figue, mi raisin. Balthazar ne publia pas une ligne sur les ambitions d'Albert Ichon. Il savait que ce genre de crapule ne vit que de l'air qu'il brasse. Ne pas parler d'Ichon c'était le meilleur moyen de l'asphyxier, de le faire souffrir. La crapule n'était pas dupe, elle appela le journaliste

_ Sachez que je suis un ancien de la Légion et que ce n'est pas un merdeux de scribouillard comme vous qui va m'emmerder.

_ Je vous emmerde quand même. Je suis un ancien parachutiste d'infanterie de marine et ce n'est pas un légionnaire de mes deux qui va me faire peur. Vous ne le méritez pas mais cette France propre dont vous parlez avec votre sale bouche, elle vient aussi de là, de ce poème de Blaise Cendrars un ancien légionnaire lui aussi, je vous le récite de bonne mémoire :

Les années s’écoulent comme des nuages
Les soldats sont rentrés chez eux
A la maison
Dans leurs pays
Et voilà que se lève une nouvelle génération
Heu... bla bla... Heu...
Des petits Français, moitié anglais, moitié nègre, moitié russe,
Un peu belge, italien, annamite, tchèque
L’un à l’accent canadien, l’autre les yeux hindous
Dents, face, os, jointure galbe, démarche, sourire
Ils ont tous quelque chose d’étranger et sont pourtant bien de chez nous
Au milieu d’eux, Apollinaire, comme cette statue du Nil, le père des eaux,
Étendu avec des gosses qui lui coulent de partout
Entre les pieds, sous les aisselles, dans la barbe
Ils ressemblent à leur père et se départent de lui.
Et ils parlent tous la langue d'Apollinaire.




_ Blaise Cendrars ? Un Suisse ! Hurla Ichon. Vous voulez m'impressionner avec un Suisse ? J'm'marre ! Vous êtes foutu Balthazar. Je vais frapper le premier avec une force dont vous n'avez pas idée !
_ Merde ! il a laissé son bras droit en Champagne ! En 1915 ! Merde alors !

En manque d'inspiration Balthazar ajouta cette merveilleuse réplique :

_ Et moi je sais assassiner les sentinelles par derrière.

Ce qui ne veut rien dire mais fait peur quand même.

_ Et moi j'ai des appuis dont vous n'avez pas idée, je suis prêt à tout et vous n'allez pas tarder à vous en rendre compte ! Je vous conchie !

_ A moi la coloniale ! Hurla Balthazar qui avait 2, 8 g, vu qu'il était 11 h 48.

La secrétaire se leva et se mit au garde-à-vous... mais de cela Balthazar n'était pas sûr parce que, parfois, elle chassait les mouches.

L'autre raccrocha sans piper mot.

Quelques jours plus tard, les amis d'Albert Ichon, ceux qui avaient été entrevus au café des arts ( voir épisode 4 qu'on peut relire aisément en tournant les pages dans l'autre sens) montaient un comité de soutien et envoyaient un communiqué de presse. Pas un mot dans le “Courrier de la République”, le journal qui abreuvait Balthazar en alcool de tout horizon, mais il est vrai qu'en échange le journaliste nourrissait les pages du journal. Seule la radio locale – molle et terne comme d'habitude - en parla. Heureusement elle n'était pas écoutée. Albert Ichon annonça une conférence de presse. Balthazar ne s'y présenta pas : pas de chance pour Albert Ichon il y avait à la même heure ce qu'on appelle une Catherinette. La Catherinette est cette jeune femme de 25 ans qui coiffe le chapeau de célibataire ( pas de vierge ! de célibataire : ne pas confondre !). Le chapeau est fabriqué par ses collègues. Il est d'ordinaire jaune et vert avec des symboles posés dessus, ils représentent l'activité de l'atelier. On appelle le journaliste. Il fait une photo et on boit un coup . C'est un bon moment. C'est aussi un bon moyen d'entrer dans les entreprises où le journaliste ne va jamais ; ces ateliers sordides d'éviscération de porc, ces fabriques minables de pantoufles, ces manufactures médiévales de tringles à rideaux. Il y a mille sujets d'articles à faire sur les conditions de travail et l'arrogance des patrons. Mais les directeurs départementaux trouvaient cela vulgaire de parler des humbles. Ils interdirent donc la couverture des Catherinettes. Qu'importe quand une consigne était donnée : c'était l'assurance que Balthazar ne la suivrait pas.



A SUIVRE LUNDI

mercredi 11 février 2015

Massacre 8




Musique d'ambiance maçonnique ici : https://www.youtube.com/watch?v=A1sMEZBR-yU

8

Résumé : Ou encore “Bobo”, comme titre, mais ça fait con comme titre.




Interruption d'image : le dialogue qui vient de s'amorcer et qui semble banal - bien qu'un peu biaisé par un je ne sais quoi de sulfureux - est codé.

Ah oui chère lectrice inconnue et cher lecteur pas mieux connu tu n'as rien vu venir. Normal ! Tu es ce qu'on appelle un profane. Explication : « enfant de la veuve » cela signifie en langage franc-maçon : « je suis franc maçon ». Certes c'est plus simple de dire « je suis franc-maçon » au lieu de « je suis enfant de la veuve », mais les frères ne font jamais dans le limpide. Le profane issu d'une famille ordinaire n'y comprend couic. Albert Ichon avance masqué. Balthazar qui a été initié jadis, et qui a quitté les loges parce qu'on y buvait trop (comme quoi rien n'est simple dans la vie), a parfaitement saisi l'appel du pied.

Mais il va ruer. D'abord parce que le franc-maçon est un homme libre et qu'il existe dans ce domaine, comme dans la quincaillerie, mille et une façons de marier le bon boulon avec le bon écrou. Ensuite si l'omerta est de rigueur elle n'impose pas de saisir aveuglément la main tendu en avançant d'un bon pied.

Donc voilà Albert Ichon qui approche en glissant du pied droit. Balthazar esquive :

_ Je ne suis plus entre les colonnes. Traduction : je ne suis plus franc-maçon.

_ Je sais. Traduction : il sait. On est sous le maillet . Traduction : on peut parler entre nous. Je suis plus vieux que vous Traduction : j'ai grade maçonnique plus haut.

_ Je vous le répète je ne suis plus entre les colonnes.

_Au nom de la fraternité je vous donne une info, murmura Albert Ichon. Je vais me présenter aux législatives et je gagnerai. Nous allons changer cette circonscription. Nous serons une tête de pont pour une France future. Une France sans Arabe, sans Juif, sans Niakoué. ( les majuscules sont de l'auteur, pas d'Albert)

_ Et une France sans franc-maçon ? Ironisa le journaliste. Sachez que nous sommes ennemis à partir de cet instant ! Je vais tout mettre en œuvre pour vous conduire aux frontières du Thouarsais avec du goudron et des plumes, beugla Balthazar.

Certes du goudron et des plumes, voilà une image un peu niaise, mais vous-même, quand vous êtes en colère ne dites-vous pas des bêtises ? Par exemple pour le dernier livre de Balthazar plein de belles histoires et de beaux dessins, n'avez-vous pas dit : « mince : 13,90 € ! Il se mouche dans la soie le Balthazar ! » Mais sachez, chère lectrice inconnue et cher lecteur jamais vu, que c'est l'éditeur et le revendeur qui s'en mettent plein les poches et que l'auteur ne gagne que 0,70 € par livre vendu. Et il en faut en vendre des bouquins pour payer une tournée de Duhomard au café des arts ! ( Duhomard c'est l'apéro de Thouars en vente partout en ville). Revenons à nos moutons enragés.

Albert Ichon eut un petit rire cruel et raccrocha.

Voilà une manière douloureuse d'entrer dans le vif de cet histoire.



A SUIVRE.

mardi 10 février 2015

Massacre 7




7

Résumé : Sinon comme titre j'avais pensé à « Aïe » ou encore “Ouille”.







Albert Ichon, commerçant, était né le 1er janvier 1958 à Aubusson où il avait passé sa jeunesse. Père parachutiste de carrière, Cochinchine, Algérie, mort en opération. Mère militante chez les traditionalistes de Mgr Lefebvre et fidèle de Poujade. Orphelin à l'âge de 8 ans. Élevé par les frères jésuites . Militant d'extrême droite.

Suivaient quelques articles de presse de « La Montagne » le quotidien auvergnat. On y voyait Albert sous la bannière des fachos lors de manifestations anti-manouches, anti-arabes, anti-juives, anti SDF. En raison d'un discours incitant à la haine raciale il avait bénéficié d'une prescription... Le juge d'instruction n'avait pas été pressé d'instruire !

Pour faire simple cet Albert là était : une fripouille, un gougnafier, un goujat, un malpropre, un saligaud, un salop, un salopard, une salope , une charogne, une ordure, une ordure, un rat, un dégueulasse, un saligaud, un fumier, un abject ,une bête, une canaille , une charogne , un goujat, un sagouin, une saleté, un vaurien, une crapule, un faquin, un paltoquet, ... Pour faire simple.

Alors sonna le téléphone. (oui, j'aurais pu écrire « alors le téléphone sonna » mais c'est moins littéraire quand même, il faut bien avouer)

_ Allô ? ( on n'a pas encore inventé mieux pour répondre au téléphone)

_ Ici monsieur Ichon. Monsieur Forcalquier ?

_ Si fait !

_ Nous ne sommes pas du même bord, je le sais, mais cela n'empêche pas la fraternité ?

_ Heuuuuuuu ???

_ Ne suis-je pas enfant de la veuve ? Comme vous si je ne me trompe ?

Hou là ! On aborde des rives singulière ici. Il faut ici une interruption d'image et quelques explications de haut vol.



A SUIVRE

lundi 9 février 2015

Massacre 6







6




Résumé : … Ah sapristi... on est mardi... il va falloir par s'y mettre à ces foutus résumés.





Le MUFAX se mit à tourner. Le MUFAX était une machine qui transmettait les écrits. Une sorte d'ancêtre du Fax déjà en place au siège du journal. Dans ce bureau éloigné de Thouars le matériel moderne n'arrivait que très tardivement. L'engin était lourd. Il trônait dans la rédaction. Ici aboutissait des paroles lointaines. D'ici on envoyait sa copie manuscrite ou dactylographiée sur des machines à écrire haute comme des remparts. Des machines à écrire de marque JAPY. Pour parler à son interlocuteur Balthazar était obligé d'incliner son grand corps pour passer au-delà du « A » à gauche, ou du « P » à droite.

La pièce maîtresse du MUFAX était un cylindre. On tirait un plastique transparent sur lequel on posait une feuille. On relâchait le plastique qui s'enroulait sur le rouleau, enrobant dans le même geste la feuille écrite. C'était un mouvement très sensuel. Un bouton appuyé, et le cylindre tournait. Un œilleton avançait lentement lisant les zones d'ombre et de lumière. Une copie hasardeuse apparaissait à l'autre bout, loin, au siège du journal. Le MUFAX tenait de la magie et de Jules Verne.

Le MUFAX donc se mit en devoir d'accomplir sa mission divine. Gwendoline envoyait ses infos.

Tout cela était lent, comme est lent l'amour.

Cet Albert Ichon était un beau salaud ! Rien de tel qu'un ennemi commun pour nouer une relation. Gwendoline de sa main fine avait ajouté un commentaire aux trois textes transmis. Elle écrivait « Cher Balthazar méfie-toi de ce triste sire ».

Balthazar en eut les larmes aux yeux, jamais personne ne lui avait dit chose si tendre « Cher Balthazar méfie-toi ». Ainsi Gwendoline à la voix mouillée d'alto avait pour lui un peu de sollicitude. Sa solitude fut alors secouée. Mais Balthazar ne savait pas parler aux femmes. Aussi il n'appela pas Gwendoline qui avait certainement d'autres galants en stock.

Le journaliste lut la documentation. Elle faisait froid dans le dos.



A SUIVRE .

dimanche 8 février 2015

Massacre 5





5




Résumé : ... y en a pas... on est lundi !




- Ben si, justement je vous en parle .

Le maire servit un douzième rosé à Balthazar et compléta son propre verre, il tira la manche du journaliste pour se mettre à l'écart.

_ C'est Albert Ichon. Oui je sais... au début cela fait rire : A l' Berrichon. Mais je vous assure, il n'y a pas de quoi se taper les cuisses. C'est un membre du FNRRB ( Front Nouveau pour le Renouveau de la Race Blanche)...Vous imaginez son programme... Il arrive du Limousin. Il a acheté ici une petite entreprise de nettoyage, et veut se présenter aux législatives. Il a de gros moyens financiers. Il a des amis dans le genre gros bras. Je me demande même s'il n'est pas franc-maçon !

_Ah ben non, on ne peut pas être franc-maçon et fasciste ! répliqua Balthazar en pensant « c'est donc cet Albert là dont j'ai entendu parlé l'autre soir » .

_Ah vous croyez encore cela ! Je vous croyais moins crédule, soupira le maire en tendant une main tremblante vers la bouteille de rosé. Il était bien ce maire finalement.

En rentrant à la rédaction Balthazar se mit en devoir d'en savoir plus sur cet Ablert Ichon.

Coup de fil à la documentation du journal où régnait une merveilleuse femme évanescente, douce et aimable. Elle s'appelait Gwendoline. Elle avait une voix si suave que, parfois Balthazar l'appelait pour rien, juste pour le plaisir de l'entendre.

_Hellôôô Balt ! Quiiiii? Albert Ichon ? Je te transmets cela dans l'heure. Sinon ça va tôa ?

Cette manière qu'elle avait de dire « sinon, ça va tôa? » était d'une féminité si appuyée, si tendre, que cette question appelait un soupir languide en guise de réponse.

Personne jamais ne demandait à Balthazar s'il allait bien. On lui disait « alors ? Boule de con, ça gaze ?» Même dit d'une façon cordiale cela n'avait rien à voir avoir avec ce délicieux « sinon, ça va tôa? »

Était-elle mariée ? Etait- elle vieille fille jadis trahie ? Était-elle belle ? Qu'importaient toutes ces absurdes questions. Elle était dans l'imaginaire de Balthazar la femme parfaite. Le timbre de sa voix un peu voilée aurait mené en esclavage comblé plus d'un homme libre.






A SUIVRE

samedi 7 février 2015

vendredi 6 février 2015

L'aphorisme de la semaine

Je suis un homme libre, 
cela ne me donne aucun droit
seulement du plaisir.
(Balthazar Forcalquier)

Cadeau pour 2015

Niort organise, ce week-end, un festival du roman policier baptisé "Regards Noirs" au centre Duguesclin place Chanzy et en centre ville. J'y serai. Venez me faire la bise.

Le festival est très bien fréquenté, la preuve,  voici le programme :
https://v.calameo.com/?bkcode=00254671663d1893e6e5a

En cadeau aujourd'hui
Un très beau marque page
Mode d'emploi

- découpez l'image après l'avoir imprimée,
- la coller  sur un carton souple,
- mettre le marque-page dans un livre (si possible un bon auteur, mais ce marque-page fonctionne aussi avec un annuaire ou un livre de cuisine).


jeudi 5 février 2015

Regards noirs à Niort ce week-end

Niort est une cité qui a inventé l'alcool d'angélique. On fait ce qu'on peut avec ce que l'on a. Mais en plus c'est une ville qui aime les histoires policières. Elle organise donc un festival baptisé "Regards Noirs" au centre Duguesclin place Chanzy et en centre ville.
Ce serait déjà sympa comme ça, mais en plus ils m'invitent demain samedi et après-demain dimanche. Venez amies et amis, lectrices et lecteurs ( j'aurai des auto-collants anarchistes). C'est gratuit, et comme je dis toujours : " ce qui est gratuit n'est pas cher".

J'ai demandé s'il y aurait du vin, mais ils ne m'ont pas répondu( authentique), mais déjà ils m'accueillent, il ne faut pas trop en demander.
Le festival est très bien fréquenté, la preuve voici le programme :
https://v.calameo.com/?bkcode=00254671663d1893e6e5a


mercredi 4 février 2015

Massacre 4




4

Résumé :  Donc il s'est passé des trucs, mais rien d'important.




_ Tu le connais ce fumier ? Disait l'un des inconnus.

_ Non, pas encore vu. Comme toi je suis arrivé depuis peu. Mais il y a une cérémonie patriotique demain, j'imagine qu'on le verra.

_ On va se le faire un de ces jours. Une bonne raclée le calmera. Il est foutu de tout faire pour nous empêcher d'y arriver.

_ Hum... M'étonnerait. Albert ne laissera pas faire.

L'un avait une sale gueule de brute avec une vilaine cicatrice sur la joue gauche, l'autre était un freluquet avec une tête de félon à petite barbiche.

Balthazar passa en revue les Albert qu'il connaissait. Albert Latripe le boulanger, bête mais pas méchant. Albert Flique le syndicaliste de la CFDT méchant et pas bête mais sans aucune influence en Thouarsais. Albert Petitdoigt le gentil retraité qui promenait son chien chaque matin et qui venait lire la « Une » affichée à la vitrine de la rédaction : un doux sans le sou. Et bien sûr Albert Soupe conseiller municipal de l’opposition, homme de droite toute, patrie, drapeau, anti syndicaliste, ennemi de tout ce qui portait cheveux longs, teigneux et sans envergure. Lequel de tous ceux-là pouvait être demain devant le monument aux morts ? A part Albert Soupe... Balthazar n'en voyait pas d'autre.

Et qui était la future cible de ces deux inconnus sans épaule, comme le sont les fourbes qui assassinent derrière les tentures ?

Le lendemain Albert Soupe était bien là avec son béret de biffin sur le crâne, crânant avec son drapeau sur la bedaine. Cet Albert-là était seul. Il avait l'air du bon con qui ne se remet pas en question et qui, de ce fait, ne va pas bien loin. De plus il ne buvait que de l'eau, particularité qui, à elle seule, aurait valu un papier. Mais Balthazar n'aimait pas écrire sur les buveurs d'eau.

En revanche il y avait un autre type avec une sale gueule. Menton en avant, regard arrogant, cheveux courts, souple et musculeux comme « le chat maigre » ( le genre de type à faire des pompes le matin et à saluer le drapeau). Il était entouré justement des deux types vus et entendus la veille au café des Arts. De loin, d'une poussée martiale du menton, le type à gueule de para désigna le journaliste à ses deux acolytes .

« C'est donc de moi qu'ils parlaient » se dit, in petto, le journaliste localier.

La cérémonie commençait et les gerbes s’amoncelaient, il fallait faire la photo, toujours la même, et écouter les discours toujours les mêmes, et filer au vin d'honneur, toujours le même. L'hommage à la patrie, il faut bien le dire, cela finit par être lassant quand même.

Au cinquième verre de rosé, quand les « petits joueurs » qui ne dépassaient jamais la dose prescrite, quand les papas pressés de rentrer pour faire la bise à maman et impatients de mettre les pieds sous la table chargée d'un poulet rôti, quand les profs égarés, quand les importuns... bref, quand tous ceux-là furent partis et qu'il ne resta plus que le dernier carré, les durs de la bibine, les buveurs au long cours, alors seulement, Balthazar se pencha vers l'oreille du maire.

_ Savez-vous qui est ce type qui a déposé une gerbe avec cette mention « en hommage à nos frères d'arme» ?

Le maire était un chic type, bon à rien, mais bon zig. Il n'aimait pas les conflits ce qui, en politique, relève de la sainteté ou de la bêtise. Il leva vers Balthazar un regard mouillé et dit

_ Ah, ne m'en parlez pas !



A SUIVRE.

mardi 3 février 2015

Massacre 3








3

Résumé :  Bon ... faut s'y mettre.



Non seulement il pleuvait sans discontinuer sur la ville, mais en plus un vent mauvais menaçait de se lever sur la cité. Une cité pourtant gratifiée de « quatre fleurs » par le jury des villes fleuries, ce qui annonce une bourgade paisible, aimant le jardinage. Curieuse occupation que cette activité qui consiste à faire pousser d'un côté et à arracher de l'autre. A traiter aux pesticides à tour de bras tout en prétendant aimer la nature . Pire encore une passion qui incite à participer au concours de la plus grosse patate ! Faut-il être perdu tout de même !




Donc quand Plouendec Karantec, le dentiste ami, proposa, comme chaque soir, une partie de tric-trac au café des arts, ce fut pour le journaliste du Courrier de la République, la seule éclaircie de cette journée morne. Il pleuvait sur Thouars depuis cinq semaines ! Depuis que le président de l'office de tourisme, après cinq années d'obstination, avait enfin signé un partenariat avec la ville voisine : Bressuire. Bressuire : capitale de la pluie et du brouillard ! Les cieux avait choisi leur camp. Il faut dire qu'à Bressuire, contrairement à Thouars, on va à la messe, on a donc l'oreille du bon Dieu, mais il doit être un peu sourd.

Il commençait bien ce jumelage !

« Aux arts citoyens » beugla Karantec. Balthazar glissa son carnet de notes dans sa poche, brancha le répondeur téléphonique, ferma la rédaction, traversa la rue et se trouva attablé au café des arts. La vie est parfois d'une extrême simplicité. Deux verres de Duhomard ( l'apéritif de Thouars, en vente partout en ville) furent servis et l'on sortit les dés. La lumière était douce... disons plutôt que Sophie, la patronne du bistro, économisait sur la puissance des ampoules. Il n'empêche, la lumière incitait à la confidence. Justement à la table à côté deux types parlaient. Déformation professionnelle, Balthazar tendit l'oreille, d'ailleurs il était en train de perdre la partie de tric-trac et ne s'intéressait plus guère au score. De surcroît il s'était installé comme de coutume à une table placée au coin droit du bistro, une place qui, par les effets mystérieux de l’acoustique, permettait d'entendre fort aisément les conversations tenues par les voisins. On n'est pas journaliste sans quelques défauts dont le premier est certes l'alcoolisme furieux, mais également la curiosité avide. Il entendit donc parfaitement le murmure de ces deux lascars. Et ce n'était pas sans intérêt.



A SUIVRE.

lundi 2 février 2015

Massacre 2




Résumé : Bon ça commence !

2

Les vieux mariés n'étaient pas contents de voir arriver le journaliste venu tout exprès raconter un bonheur si touchant, une magnifique aventure humaine, une exemplaire fidélité qui avait affronté un demi-siècle sans une vague. Un demi-siècle ? Tu parles ! Marcel avait été cocu avant même son mariage. Son aînée, Jeannine, était venue au monde alors qu'il croupissait depuis dix mois au fin fond des sables au sud de Tamanrasset ; où il s'enfonçait peu à peu dans la bière, et d'autres choses ici indicibles.

De la lignée de marmots, il y eut peut-être un ou deux rejetons de son sang... peut-être, oui, puisqu'ils louchaient, comme lui. Et cela tout le monde le savait dans le village. Alors, même si chacun admet que les journalistes sont des menteurs, la ficelle était un peu trop épaisse. Et la perspective de présenter les mariés comme un couple modèle était plus qu'embarrassante, elle était insupportable aux époux. Aussi Germaine et Marcel refusèrent d'abord de prendre la pose pour la photo. La fille aînée insista, aidée par la cadette et le benjamin. La fête tournait vinaigre. Balthazar en attendant que ce différend familial se vide, vidait verre sur verre à la buvette du camping. Puis la clameur se tut, il y eut comme un vide. Tous ces vides étaient des abîmes. Enfin, sous la pression de leur descendance hasardeuse, les époux plièrent.

Et l'on fit la photo, sourire figé.

Le marié voulut donner la pièce au journaliste comme on donne à un domestique. Balthazar refusa et fila, ivre, et seul. Seul, plus encore que les époux qui se faisaient la gueule avant même que les langoustines froides et les œufs en gelée soient servis. Et lorsque la pièce montée arriva, toute la noce était fâchée. Ah le beau dimanche que ce fut!

Balthazar enchaîna avec une course cycliste organisée autour de l'Hyperbouffe centre commercial à néons froids. Le commentateur hurlait dans une sono saturée : « prime ! prime ! » pour aiguillonner les pédaleurs hors d'haleine « prime du magasin « la belle chaussure », prime de 20 F ! » Heureusement il y avait du rosé à la buvette, et Balthazar y passa un agréable moment en observant la grassouillette femme (à chignon) du premier adjoint qui faisait des grâces au directeur de course, avant d'aller remettre un affreux bouquet au vainqueur, un pauvre type qui demain se retrouverait à la chaîne dans la Fabrex, l'usine de tringles à rideaux. Le contremaître lui dirait en passant « bravo pour hier » et il serait fier, si fier... Avant d'être licencié la semaine suivante car, voyez-vous les actionnaires ont des appétits qui nous échappent et ( bizarrement) ils sont peu sensibles aux exploits sportifs qui ne rapportent rien d'autre qu'un morne bouquet de glaïeuls et la bise de l'épouse d'un adjoint, fut il premier . D'ailleurs ce bouquet, le vainqueur n'avait personne à qui l'offrir, sa femme étant parti avec un Algérien beau et fin qui murmurait dans sa langue des poèmes de Mahmoud Darwich.






A SUIVRE.

dimanche 1 février 2015

Massacre 1






Massacre







Massacre, définition : terme de vénerie. La tête du cerf, du daim, séparée du corps, et mise debout sur la peau de la bête, alors qu'on donne la curée aux chiens.




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Dans le chaos des jours qui s’enchaînaient avec une lassitude infernale, il y avait peu d'embellies. Peut-être cette heure paisible en fin d'après-midi apportait un peu de réconfort au cœur de Balthazar. Alors Plouendec Karantec poussait la porte de la rédaction. Il s'asseyait devant le bureau de Balthazar sans un mot ( Balthazar était journaliste perdu dans les tranchées avancées, loin du siège de son quotidien, sans aucune discipline, si ce n'est celle des égorgeurs, c'est-à-dire la dure et voluptueuse loi de l'impromptu ). Juste le grincement de la chaise en bois sur le carrelage froid. Alors Balthazar repoussait sa machine à écrire. Juste la plainte des patins en caoutchouc sur le bois vernis. Il n'achevait pas son article ces soirs-là. Le compte-rendu de la noce d'or de Germaine Grosfessier et de Marcel Poutraille pouvait attendre. Le journaliste était las de ces histoires. Toujours les mêmes. Marcel avait séduit Germaine au bal des pompiers sur la musique de Verchuren, puis il était parti en Algérie la semaine suivante. Il en était revenu un peu plus silencieux. Qu'avait-il fait là-bas ? Il n'en parlait jamais. Il avait marié la Germaine. Et des enfants étaient nés. Et d'autres bébés encore. Il avait été décoré de la médaille commémorative et avait payé l'apéro aux copains. Un peu fier mais pas trop... comme si des fantômes aux visages tordus de douleur par la « gégéne » étaient apparus soudain dans le fond de son verre de Pastis. (Les musulmans qui ne boivent pas d'alcool ont de ces cruelles fantaisies).

Et voilà cinquante ans qu'il était marié avec « cette grosse vache » comme il disait. Il n'avait pas tout à fait tort, Germaine avait des allures bovines, elle était « chularde » comme on dit à Parthenay la capitale des animaux voués à la mort. C'est à dire qu'elle était forte de hanche et grasse du postérieur.

Pour faire plaisir à pépé et mémé, les petits avaient demandé au journaliste de venir faire une photo et « un beau papier » pour ces noces d'or. Bien sûr c'était un dimanche à 13 h dans un restaurant minable au fond d'un camping rural qui sentait les latrines et la tristesse infinie des parties de pêche au poisson chat . Les filles avaient mis des robes orange, laides, avec d'atroces zébrures vertes ( des robes taillées dans des rideaux certainement) elle avaient enfilé – par quel miracle - des souliers à talons hauts qui pliaient sous leur poids de viande . Les garçons buvaient vulgairement et sentaient fort le lisier et l'after shave au muguet : c'était à vomir.

Un terrible ennui tartiné par là-dessus et vous y êtes.

A SUIVRE.