mardi 3 mai 2022

Bourlinguer sur la rouille (3)

 


Résumé : la mangrove et le début de l'initiation.

Sur l'île de Niomoune, à quatre heures de pirogue de Ziguinchor ( quand tout va bien ), le temps passe sans crier gare. Tout est calme. Je suis comme l'un de ses arbres indigènes, le fromager, dont la souche semble des écharpes lovées autour du tronc. Je suis ici depuis ... je ne sais plus. Un voyageur égaré m'a raconté que notre bateau avait été vendu par le capitaine qui a ensuite ouvert une épicerie ( il a prétendu auprès de l'armateur que ce tas de rouille a coulé) . Le navire cabote toujours sur la côte sénégalaise sous un autre nom parait-il.
Boubacar, le marabout qui m'a accueilli m'a dit avoir vu en moi des pouvoirs magiques ( en réalité je ne faisais que quelques tours de cartes et je connais un truc de fakir : écraser une cigarette sur la langue). Il n'était pas dupe, mais il a usé de ce petit mensonge pour m'initier. Il est soufi tendance animiste. C'est un homme doux. Je me suis converti de bonne grâce. Je m'appelle désormais Bassembo-Lucien. Un soir Boubacar m' a raconté ce qu'il s'était réellement passé avant notre arrivée. Mamadou le chef cuistot du navire est son frère. Lorsque nous sommes passés au large de la Casamance, Mamadou a ajouté une poudre à la soupe. L'équipage a soudain retrouvé le plaisir de la vie et le goût des alanguissements. Il était évident que l'Afrique serait notre refuge. Et tous les marins de cette coque rouillée posèrent leur sac ici. 
Boubacar le marabout est un saint. Il continue ses bienheureuses prouesses. Moi, je me suis marié avec Fatouma, nous avons quatre enfants rieurs. Je commence a bien savoir soigner la maladie du sommeil et a guérir les funestes piqûres du scorpion sénégalais, je possède un fétiche mais je n'ai pas le droit de dire son nom.
( A suivre)

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