Je m'éveillai dans le fond de la felouque. J'étais ligoté et jeté au milieu des nasses. Un atroce mal au crâne fendait ma tête en deux.
Le capitaine me voyant reprendre mes esprits me fit un magnifique sourire.
_ Mais pourquoi m'agresser je n'ai pas un sou ? Pas de famille ! De moi vous n'aurez rien puisque je n'ai rien.
Le capitaine son second et le mousse eurent un bon rire, bien franc, sans arrière pensée.
_ Mais c'est toi ta valeur ! Tu sais nous sommes pauvres aussi et nos familles sont vastes et affamées. Nous pêchons le poulpe géant. Et tu ne le sais pas, mais il n'y a pas meilleur appât que la chair humaine. Donc pour faire simple te voilà arrivé par les dieux dans notre bateau à la bonne saison. On va t'égorger, tu verras c'est rapide et presque sans douleur. Puis nous te débiterons et tu seras jeté dans les nasses. Il y a pire comme destinée. Pour une fois tu serviras une cause utile. Nos familles n'oublient jamais ceux qui les ont nourris.
Nous filions plein sud avec un doux vent allure vent arrière.
Bouffé par des poulpes, certes il n'y avait pas de gloire particulière à cette fin domestique mais bizarrement la perspective de retourner au bouillon originel, à la soupe primitive aurait pu, presque m'enchanter.
En réponse à ma question le capitaine me dit que nous serions sur zone la nuit prochaine au large de l'île de Karpathos.
Mon dernier dîner fut somptueux, le mousse regardait avec envie ma gamelle pleine d'olives noires à la puissante saveur de cheminée mêlées à des anchois, suivies de Kalitsounia (pâté crétois au fromage), de Fasolakia (haricots verts frais, cuits en ragoût avec des pommes de terre, des courgettes et de la sauce tomate) et pour finir une belle tranche de kasséri, un fromage mi-dur fait de lait de brebis non pasteurisé. Et raki à volonté. Ce fut une excellent dernier repas.
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