Le blog qui dit n'importe quoi et même son contraire
lundi 15 juin 2015
La Jouissance du monde 1 (II)
SAISON
2 Le
printemps avançait comme nous chevauchions vers le sud fredonnant des
airs qui nous venaient naturellement et ne signifiaient rien pour
nous. Nous n'avions plus de mémoire l'ai-je déjà dit ? Si
c'est le cas, je l'ai oublié. Nous n'avions pas de souvenirs.
Résumé : dans ce monde nous sommes deux cavaliers. Il y a Amogh et moi Absalom. Amogh est de viande, moi je suis de plante. Nous ne croisons personne. Nous n'avons plus de mémoire, ou si peu. Nous avons appris, mais nous l'oublions, qu'un gaz a décimé les hommes et a effacé leur mémoire. Les hommes bleus sont dangereux, ce sont des barbares qui ont survécu sans envie. Sans envie autre que le meurtre. Ils vont en bande. Les femmes sont rares. Sophia que j'aimais est morte, nous l'avons laissée dans une anfractuosité sous une falaise avec de la nourriture pour son dernier voyage. Et nous avons repris notre route, sans but, sans désir futur, avec le seul goût prodigieux de l'instant.
Nous
jouissions brutalement et sans retenue de menus plaisirs. Amogh
allait devant, souriant comme un animal parce que le vent était doux
à son visage et que ce souffle soulevait son manteau en fourrure
d'ours comme l'aurait fait un bras aimant. Il chantonnait une sorte
de ballade qui tournait en boucle « hey that's no way to say
goodbye », c'est bête à dire mais cette rengaine dont les
paroles étaient inconnues me faisaient incompréhensiblement monter
les larmes aux yeux. Nous descendions depuis des jours un sentier qui
allait d'un bois à une prairie, d'une prairie à une lande, d'une
lande à un ressaut de pierres, et de là à un autre taillis.
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