vous n'avez pas lu l'épisode 26
donc le voici,
puis le 27 déjà publié.
Et la suite (28) dans la foulée. Mille pardons !
Balthazar
26
Résumé : Ou en étais-je ? Ah oui... il y a eu plein de trucs depuis le premier chapitre, ça va être coton de résumer. Disons que Balthazar est dans la mouise.
Karantec brandissait le journal et hurlait
_ Qui a écrit ce torchon ?
Ludivine qui avait de l'esprit le fit asseoir. Ludivine était l'une de ces jeunes journalistes qui ont envahi les rédactions. Titulaire d'un BTS à Tours elles ont rêvé d'un noble métier et se trouvent à couvrir des concours de pétanque, à servir les plats à des élus pleins de morgue, à essuyer les colères de syndicalistes malmenés. Elles tombent de haut et expédient les affaires courantes sans enthousiasme, en soupirant. Elles n'ont pas de volonté, pas de courage : elles sont parfaites pour la nouvelle ligne éditoriale. Elles sont molles mais pas stupides.
_ Qui êtes-vous ? Dites-moi ce qui vous choque ? Demanda-t-elle à Karantec, lequel, protesta de l'innocence de son ami, exprima son dégoût pour tout ce qui avait été imprimé, et de bonne foi, raconta qui était véritablement Balthazar pour lui.
_Un anar certes, un insolent d'accord, un alcoolo oui, mais un homme digne... incapable de faire le moindre mal à un être faible.
_ Et vous avez des photos de lui ?
_ Heu, oui.. Peut-être... On a fait un voyage en Bourgogne, en Alsace et en Bordelais, en Côte du Rhône... Que les grands crus madame ! Si c'est pour rétablir la vérité, je veux bien vous les apporter.
_ Comptez sur moi.
Ludivine rédigea un papier à sa façon avec une encre trempée dans l'eau tiède. Le directeur aurait voulu quelque chose de plus nerveux :
_ C'est ta chance Laetitia, si tu cartonnes avec cette affaire, tu auras ton CDD et qui sait peut-être, tu seras titulaire du poste de Thouars.
Titulaire du poste de Thouars... de quoi faire rêver une jeune fille qui, étudiante, se voyait accréditée à vie à l'Elysée, ou envoyée spéciale au G 20 ...
Mais comme elle avait déniché des photos de Balthazar, le directeur voulut bien concéder un :
_ Bon c'est pas trop mal. Continue.
Et elle continua en se contentant d'ouvrir et fermer les guillemets, ce qui est le propre du journalisme mou.
Madame Michacul croisée sur le marché avec son chienchien « Benito » dans les bras voulut bien parler :
_ Mais vouiiiii, j'ai lu ça ! Oh quelle horreur ! C'est vrai que ce monsieur Balthazar était bizarre. Oh j'ai rien contre lui, mais parfois il était négligé. Peut-être buvait-il trop. Et... En confidence je crois qu'il n'aimait personne. Alors il ne faut pas s' étonner qu'on ne l'aime pas... Ben dame !
Martine, la secrétaire, interrogée aussi, baissa les yeux et murmura dans un sanglot :
_ Ce n'est pas possible ! Ce n'est pas possible !
Elle voulait signifier que Balthazar était incapable d'un tel forfait. Mais sans décodage, sans chercher plus loin, juste avec les guillemets, on pouvait lire cela comme un cri d'horreur.
Et ce n'était qu'un début.
A SUIVRE...
27
Résumé : Sinon il y a les alcools rudes. Je connais un Rhum agricole offert par l'Alain des îles qui fait merveille. 59 ° et plein de belles idées qui se bousculent dans son sillage. C'est fou ce qu'il inspire quand on le respire.
En fouillant dans l'annuaire de la rédaction Ludivine trouva les contacts de Balthazar.
Les défenseurs de Balthazar se comptaient sur les doigts d'une main : Moustache le pompier, Mouloud le syndicaliste, Michka le casseur de voitures, Juan-Lukos Caraboc le mage, peut-être Sobiestawa une vague polonaise qui de toute façon ne répondait jamais au téléphone ou alors très vaguement, Philippe Perrein lui, était joignable mais on ne comprenait pas ce qu'il disait, Fred un type perdu dans des musiques électroniques, quelques vignerons aux rendements miséreux ; bref rien de très reluisant pour un lectorat bourgeois.
Alain Fouquet, infirmier en alcoologie, sollicité par Ludivine, se retrancha dignement derrière le secret professionnel. Ce qui en disait long tout de même.
En revanche les ennemis de Balthazar étaient légion :
Me Aimery de Prime d'Antignol (avocat des riches), Jérôme Machecouille ( le patron d'Hyperbouffe), Henri Mistrat ( aubergiste du moulin bleu), Angèle Matrille ( femme d'un marchand de porcs), Albert Ichon et ses sbires, pour ne citer que les plus connus sur la place, sans compter les francs-maçons perdus dans le rituel des affaires, les notables de tout poil bien contents de s'être débarrassés à bon compte du journaliste, les officiers de toutes garnisons, les prélats cauteleux, des flics, des gendarmes, des anciens combattants de cantine, des religieux intégristes,... cela en faisait du monde !
Deux personnes restaient sans avis : Josiane Birdat * commerçante à l'enseigne de la droguerie générale rue Saint-Médard, une poissarde bête et cruelle mais non dénuée de bon sens ; et Me Freddy Mespieds l'avocat des pauvres ( quand ils peuvent payer) ces deux là disaient à peu près la même chose :
_ Qui connaît le fond de l'âme humaine ? N'est-ce pas ? Attendons de savoir ce qu'il dit Balthazar. D'ailleurs où est-il ?
Louis Grandclerc ne répondait pas au téléphone.
_ Et puis qu'aurait-il pu dire de plus ? Se demanda Ludivine en croquant tristement un sandwish à la salade entre midi et deux, assise au bureau, devant un grand verre d'eau. Il fallait remonter à plusieurs décennies pour se souvenir de la présence d'un verre d'eau sur le bureau de Balthazar.
Legrandu n'était pas sorti de l'hôpital. Il avait le nez brisé, les vertèbres cervicales déplacées ; et comme il s'était cogné à l'angle de son bureau en tombant, il souffrait également d'un léger traumatisme crânien. En dépit de ces blessures il souriait in petto
_ Mon fumier, tu ne m'as pas loupé pensait-il en s'adressant mentalement à Balthazar vu qu'il se parlait à lui-même, c'est le principe même de la pensée. Mais cela en valait la peine, les recherches sont vaines, elles sont suspendues, surtout reste bien planqué mon pote. Attends que je reprenne du service.
Mais il y en a un qui n'attendit pas pour reprendre du service .
*Voici le portrait de Josiane Birdat ( « Deux Bouteilles Tordues Comme le Reste », dans « Chroniques Noires à Thouars », Geste éditions) : Elle économisait sur l'électricité et le fuel. Elle économisait sur tout, même sur la savonnette. L'avarice est la seule passion qui ne coûte rien. Mais accueillait le visiteur avec chaleur ( ce qui ne coûte rien)
Note de l'auteur : je reçois aussi ce témoignage réconfortant de Jean-François Mathé, authentique poète : “Si par hasard vous vous révéliez vraiment coupable dans cette sordide histoire de massacre, si vous passiez en jugement, vous pouvez faire appel à moi : je serai un ardent témoin de moralité.” Merci à lui, mais hélas les poètes ont peu de poids aux assises. A Jean Genet qui avait volé un livre le président demanda “ connaissez-vous au moins le prix de cet ouvrage ?”, l'écrivain répondit : “non, mais j'en connais la valeur”... Il fut condamné.
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