mercredi 6 novembre 2024

En haut (4)

 


Sans cesse tout change devant moi. Dans mon phare le monde est en perpétuel mouvement. Le smaragdin de la mer passe au royal sinople, puis soudain une vague jade couvre tout ; le ciel trempé dans la guède s'épanche peu à peu vers des nuances céruléennes avant de plonger tout nu dans l'azur. Les parfums suivent amoureusement ces nuances, les effluves puissants exhalent des fragrances de poissons rares qui vivent dans les grandes profondeurs obscures où ils vivent seuls durant des siècles car il est rare de croiser un semblable pour se reproduire. Seuls comme moi ils vont dans les abîmes en cultivant une sagesse rare. Là où ils sont, personne ne les traquent, personne ne sait d'ailleurs qu'ils existent.

Les poissons lointains sont seuls. C'est là mon idéal, mais dans le phare la terre parfois m'appelle. La radio grésille et demande «  besoin de rien ? ». J'aurais besoin qu'elle se taise je réponds immuablement «  Rien A Signaler ». Je me dis qu'un jour peut-être le monde, là-bas sur la terre, va s'effondrer. Un virus mortel supprimera l'humanité et moi je n'en saurai rien. Certes je ne le souhaite pas, mais en réalité cela m'est indifférent. Je ne sais pas ce qu'est l'humanité. Je mange des poudres stockées là depuis des lustres. Je bois l'eau de pluie. Ma solitude s'appelle aussi liberté grande.

( A suivre lundi)

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