Tranche de vie amoureuse

 

(Hans Thoma, "un jour je l'ai croisée".)

 J'étais trimardeur, aventurier, j'allais ici et là, sans port d'attache, curieux de tout, à l'occasion joueur de cornemuse bourbonnaise dans les fêtes de village. Un jour sur un chemin, alors que j'allais louer mes bras dans une ferme, je l'ai croisée. Marguerite était fine, jolie comme ... comment dirais-je ? comme ... un petit sucre devant un verre de rhum ( je ne trouve pas plus précis). J'ai bien vu qu'elle avait aussi le béguin. Au bal du dimanche on a dansé tout le temps, tous les deux. On s'est marié. J'ai inventé un petit bout de métal plié que j'ai appelé le trombone pour réunir les liasses de feuilles de papier. Le trombone remplaçait avantageusement l'aiguille. Cela a bien marché. Je suis devenu riche et bourgeois. Marguerite était gênée par son nouveau statut elle faisait toujours le ménage sous l'œil ébahi de nos domestiques. Et ne laissait à personne le soin de faire ma tarte préférée aux framboises. Quelle femme merveilleuse. Je suis mort amoureux d'elle, tué par une balle perdue de la bande à Bonnot alors que je passais rue Ordener dans le XVIIIe arrondissement. Je ne sais pas si elle s'en est remise.

Voilà tout.