lundi 16 septembre 2019

J'ai sur rester simple (17)

 A lire comme une sorte de roman moderne.

Je pense souvent à ce joli conte que me racontais mon grand-père devenu aveugle en 14 à cause des gaz et qui, par malheur, avait perdu ses deux bras dans un bombardement allié en Normandie avant de se faire couper les jambes après une grève de train ; de surcroît il n'avait plus toute sa tête. Bref pour m'endormir voici ce qu'il me racontait de sa jolie voix cassée par l'alcool :

« Voici l'histoire de Martine, Martine avait un curieux "doudou", c'était la tête empaillée d'un vieux domestique. Elle ne pouvait pas s'endormir sans caresser les rouflaquettes du valet qui avait été décapité pour avoir volé du sucre dans un placard. A l'époque la loi sur le sucre était très stricte. Cette vieille tête fatiguée, usée de caresses enfantines et de bisous mouillés, traînée de poussettes en landaus, s'abîma et commença à sentir très mauvais. Il fallut la jeter dans un étang et comme Martine était inconsolable on battit la campagne pour trouver un paysan un peu ressemblant. Il fut lui aussi décapité et sa tête fut aussi empaillée. Mais Martine n'en voulut pas au motif que ce n'était pas là son vrai doudou. Elle se consola avec la main séchée d'une servante qu'elle aimait beaucoup et qui fut amputée pour l'occasion... Voilà fais de beau rêve ma jolie Mado... Enfin jolie … je ne sais pas je suis aveugle, je te ferais bien un câlin mais je n'ai pas de jambes pour aller vers toi, ni de mains pour te faire une caresse … de toute façon ne pleure pas mon enfant, j'ai toujours perdu aux réussites. »


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