dimanche 20 septembre 2020

Secousse 9

 

 



 




Résumé : il était tellement amnésique qu'il avait oublié de mourir.


Un lien secret et très puissant vint unir Marie à Jean, Marc, Luc, Matthieu et Thomas. Un lien qui a un nom que tout le monde, très souvent, ignore. En général on prononce ce nom et, par un mystère encore inexpliqué, les gens entendent le contraire, comme si on leur disait « bonjour » et qu'ils entendaient «  au-revoir ». Ce mot stupéfiant est « gnose ». On dit « gnostique » et les gens entendent « agnostique » (faites l'expérience).

Mais il est préférable de commencer par le début. Le tout début (c'est à se demander si cette histoire n'a pas que des débuts !). Or ce début débute bien après…


Un jour d'été, Balthazar, journaliste alcoolique et anarchiste, reçut sa feuille de route. Il devait quitter une morne rédaction du Courrier de la République dans laquelle il n'était pas heureux. Direction : Thouars ! Enfin une vraie rédaction locale détachée. Une vraie petite baronnie avec ses héros et ses grands buveurs, une vraie locale avec son histoire de résistance continue, avec ses amis « à la vie à la mort » et ses vrais ennemis « à la vie à la mort ». Une baronnie qui avait en plus : un salon des vins. Et ce qui va avec : ses vignerons, des gens merveilleux qui, vêtus sans recherche, s'étonnent qu'on puisse s'intéresser à eux. Avez-vous remarqué que les vignerons sont humbles et modestes ? Il y a une raison à cela : ils ont toujours peur de se tromper. Et quand il réussissent une cuvée, je veux dire une de ces cuvées qui racontent mille histoires et qui vous font des baisers dans le cou, alors… ils ne savent pas pourquoi et surtout ils ne savent pas comment ils ont fait. Allez demander à Gauguin pourquoi il a mis ce rose insolent et émouvant sur la robe de sa tahitienne ?


Thouars accueillit donc Balthazar à bras ouverts, comme on accueille un vieil ami. En réalité la formule n'a ici aucun sens : Thouars aime les nouveaux venus et oublie ceux qui sont partis. Personne ne demandera de vos nouvelles si vous quittez Thouars.

Ailleurs on vous dit : « Ici, il faut très longtemps pour avoir des amis, mais quand vous les avez, c'est pour la vie ». A Thouars c'est le contraire, vous un êtes d'emblée un ami, un vrai, et si vous partez, vous trahissez. Ici on n'aime pas les indécis. Tu es de gauche ou de droite. Et tout va bien, en dehors des élections.


 Bref, Balthazar arriva à Thouars à la mi-juillet il succédait à une suite de journalistes doués : Jean-Claude Biltac, Yves Traluse, Marcel Fiacosse et d'autres, tous partis sous d'autres cieux moins rudes. Ils étaient épuisés par les salons des vins et les innombrables occasions de trinquer. Thouars est une zone de combat. Marie avait envoyé un jour sa lettre de démission et avait totalement disparu. Elle avait écrit à la rédaction-en-chef ces simples mots : « Je vous emmerde ». Ce qui sur le plan de la syntaxe pure reste sans reproche.


Un vieux journaliste merveilleux avait dit : « Vous savez, Balthazar, à Thouars, ce n'est jamais fini. »

Et c'est justement ici que cela commence.

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