mercredi 23 septembre 2020

Secousse 11

 


Résumé : Le hasard n'en fait décidément qu'à sa tête !


Donc Balthazar ouvrit l'enveloppe, il était déjà tard, la secrétaire avait rangé joliment son bureau orné d'un bouquet de jonquilles offert par un amoureux de la dite secrétaire, lequel arrivait juste avant l'heure de la fermeture pour passer une annonce matrimoniale : « homme mûr et vert encore cherche compagne joyeuse sachant faire des crêpes et aimant – en saison – les jonquilles. » Autant dire que cette annonce était adressée exclusivement à la secrétaire qui apportait à la rédaction quatre fois par mois de savoureuses crêpes à la confiture de framboise ou autre fruit de saison soigneusement pliées dans un torchon Vichy. L'homme qui arriva un jour à l'heure du goûter se vit offrir une crêpe à la crème de marron, il en fut tout estourbi. Je raconte cela qui n'a aucun lien avec l'histoire pour que le lecteur comprenne bien qu'un journal est avant tout, d'abord, et essentiellement, une histoire humaine.

Bref, il était tard, il n'y avait plus personne à la rédaction lorsque Balthazar lut les quelques feuillets laissés là par Marie, la précédente journaliste en poste à... Thouars.


Cela commençait ainsi :


« Voici notre histoire, celle de Jean, Marc, Luc, Matthieu, Thomas et moi.

Nous avons tué, il est vrai, chacun à notre tour. Mais ne nous jugez pas avant de savoir. J'écris cette confession avec l'assentiment de mes amis. Nous avons tous disparus volontairement car la justice des hommes ne saurait nous atteindre. Elle n'en a pas le pouvoir ni même les moyens. Que celui qui lise cela, parce qu'il a su plier les genoux, soit une personne libre. »


Balthazar qui avait plié les genoux justement pour voir l'enveloppe collée sous le tiroir des archives s'assit à son bureau sur un fauteuil pivotant (ce type de fauteuil équipait depuis toujours les rédactions, on pouvait ainsi se bercer quand un élu débitait ses banalités). Il poursuivit sa lecture.


Marie écrivait :


« Un jour j'ai rédigé un article sur un ancien déporté résistant, un homme merveilleux et doux. Comme je lui disais : « Moi à votre place je serais revenue avec une rage au cœur et l'envie de mordre tout le monde. » Il me répondit avec son beau sourire : « Reprenez un verre de rosé et comprenez que ce monde n'est pas celui qui compte. » Il n'en dit pas plus, mais cela me troubla profondément, car d'une certaine façon je ressentais intimement en moi cette évidence. Il me fallut longtemps pour comprendre le sens caché de ces sages paroles. Un sens qui porte un nom : la gnose ! Et quand il m'arrive de dire certains soirs d'ivresse que je suis gnostique les gens entendent bizarrement le contraire : agnostique… Ils disent cela par réflexe sans doute parce que le mot « gnose » fait peur et cela ne date pas d'hier. Que celle ou celui qui me lit à cet instant fasse un effort ou remette cette enveloppe où il l'a trouvée avant d'aller plus loin. Car il ne comprendra pas la suite, ni ne découvrira même les messages qui éclaireront bien des mystères, il ne saura rien des crimes qui ont eu lieu. Le message est : « Je suis venu apporter un feu sur la terre ».


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