lundi 20 juillet 2015

La jouissance du monde 21 (II)





Je vais régulièrement à la maison d'études, je joue au club d'échecs, j'apprends le violon et je ne joue pas très bien.
Je suis amoureux, elle s'appelle Liraz qui signifie "mon mystère" mais je l'appelle Lipaz qui veut dire "mon or pur". J'ai cru ne pas lui être indifférent et je n'ai plus douté le jour où elle m'a offert un beignet. Tu sais les filles sont étranges, elles te refusent la main que tu cherches à saisir un jour, et le lendemain, ce sont elles qui viennent te tenir la main sur le chemin, en pressant le pas pour arriver à ta hauteur. Elles protestent avec fureur si tu veux leur donner un baiser et le lendemain ce sont elles qui, furtivement, en déposent un sur ta joue. Je me demande à quoi elles jouent. Surtout Lipaz qui semble, dans ce domaine, plus insaisissable que les autres. Ou alors est-ce moi qui suis toujours à contre-temps ?J'en parle à mon pote Joseph qui me dit " en vrai elles sont toujours d'accord mais elles ne le savent pas." J'hésite à user du précepte avec Lipaz, un jour que j'ai voulu poser mes lèvres sur les siennes, elle m'a donné un coup de poing sur la poitrine et m'a boudé pendant deux semaines. Maintenant ça va mieux, ça va mieux avec Lipaz, parce que sinon la vie, elle, devient difficile. Les nazis sont arrivés dans la province il y a quatre mois. Et le chef du shtetl est régulièrement convoqué dans la capitale du district. Il y va accompagné. Mon père fait partie de la délégation. L'autre jour, le chef est revenu avec le visage en sang. Mon père a dit qu'il était tombé sur une pierre. Mais j'ai su le lendemain qu'il avait été frappé par un gourdin.
( A suivre)

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