lundi 5 août 2019

L'extraordinaire (et très ordinaire) destin de "petite fée"

Dessin Louie Travis


Entre nous, nous l'appelions "petite fée", les flics l'appelaient "vilaine petite guerrière". Il faut dire qu'elle leur en a fait baver aux cognes. Elle avait inventé une sorte de bombe à base de vomis et d'excréments ( elle récupérait cela dans une maison de retraite dont elle connaissait l'infirmière) , cela produisait une sorte d'infecte liqueur qu'elle projetait sur les CRS avec un compresseur installé sur son scooter. Elle appelait cela " cocktail humain". Elle n'a jamais porté un coup. 


Elle aimait aussi attirer les patrouilles dans un couloir où avaient été suspendus des seaux de bleu de méthylène (  elle avait volé ce colorant dans un labo pharmaceutique) ; elle le remplaça ensuite par de la poudre à éternuer ( elle avait empruntée le produit dans une usine de farces et attrapes ). 
Les argousins la redoutaient, aussi quand ils mirent la main sur elle dans une embuscade... elle dérouilla. Mais dans la troupe un tendre policier la releva, la soigna, lui murmura ces mots doux que nous n'avions jamais osé lui chuchoter par timidité et crainte du ridicule. Elle tomba amoureuse, elle se maria, elle eut cinq enfants beaux comme des dieux. Un jour, elle était là, au rayon des couches, elle était entourée de sa marmaille et riait aux éclats. Je  suis resté caché derrière une pyramide de boites de sardines. Je n'ai pas osé bougé, et je suis parti sans amorcer la bombe remplie de "cocktail humain" que j'était venu déposer dans cette grande surface, symbole du capitalisme. Je ne l'ai pas fait pour ne pas faire peur à ses enfants, ils étaient si joyeux avec leur maman. J'ai juste dit aux camarades que l'amorce n'avait pas fonctionné.

Voilà c'est tout.



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