jeudi 3 octobre 2019

Un livre plein de vent, d'oiseaux et de silence






Le poète Jean-François Mathé explore dans son dernier ouvrage les rythmes apaisés de l'homme devenu sage, et débusque aussi de fugaces et lumineux éclairs de grâce.

Ce n'est pas un testament que ce livre, c'est beaucoup mieux, c'est un partage de flâneries minuscules, d'éblouissements si fins qu'en temps ordinaires on les gâche, ou pire on les piétine. La vie qui va est le privilège des jeunes, la vie qui marque le pas est celui des êtres mûrs. Entendons nous bien, il n'y a pas dans ce recueil une demi-phrase, ou même un souffle de nostalgie ! Oh non ! Il n'est pas question des temps perdus. Le dernier recueil de poésie ( en date ) de Jean-François Mathé, aux éditions « Le silence qui roule » s'appelle « Vu, vécu, approuvé ». Les poèmes – toujours sans titre, c'est une vieille habitude de l'auteur depuis le milieu des années 80 – palpitent de cette attente, sans impatience, qui habite les esprits à l'heure languide qui blanchit les cheveux et plie les genoux. L'auteur partage des instants fugaces, des espaces de lumière, le halo d'un feuillage frémissant, « des ciels de plus en plus transparents d'où tomberont des ailes fatiguées ». Alors, même les habitudes deviennent élégantes « nous recousons chaque fois la tendresse qui est de moins en moins l'amour. » Avec l'âge, la vie traîne des pieds et soulève une jolie poussière : «  tu étais cambré et moi à genoux. Tu cueillais les fruits, je ramassais l'ombre du cerisier. Tout était net quand nous partîmes. L'échelle restée debout signe ce tableau que rien plus n'encombre. Laissons-le là, clair, sous son vernis d'air. » Ces poèmes ressemblent à ces instants de grâce - heureux ceux qui les ont vécus – qui surgissent soudain dans l'ordinaire, à un feu rouge, en attendant un ami au café, au rayon des épices du super-marché. Soudain ni le temps ni l'espace n'ont plus une quelconque fonction, un voile bouge et le souffle qui le soulève nous embrasse. Voilà à quoi ressemble ce livre qu'on relit encore et encore parce qu'il partage généreusement ces paisibles et fantastiques sentiments. Ils sont d'autant plus forts que leur saveur est légère. C'est un mystère certes, et le labeur du poète est de les saisir, de les triturer sans les trahir, de les faire entrer dans les mots sans les blesser. Dans la trentaine de poèmes qui composent le recueil le mot « vent » apparaît dix fois, « silence » sept fois, « oiseau » cinq fois. Certes cette comptabilité est un peu absurde mais elle dit à sa façon la respiration aérienne de cette aventure.  « Ce que ma voix a semblé ne pas dire tombe en flocons dans un silence de neige. Pourtant, certains l'entendent du ciel à la terre : oreilles fines des amis proches qui accueillent tout ce qui était murmuré pour eux seuls, dans les parenthèses de ce que je criais à tous. » La voix du poète n'est jamais vaine !

 « Vu, vécu, approuvé » est disponible au « Brin de Lecture » rue porte de Paris 12 €.

 extrait :

« J'aime regarder
le vent qui ne se voit pas,
j'aime poser des pierres
sur la peau de l'eau
pour qu'elles y disparaissent,
j'aime feuilleter les pages
dont la blancheur en dit plus
que les mots qui y sont écrits,
j'aime que le vide, en tout, tienne
la porte ouverte à qui ne veut que partir »




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