Le poète Jean-François Mathé explore
dans son dernier ouvrage les rythmes apaisés de l'homme devenu sage,
et débusque aussi de fugaces et lumineux éclairs de grâce.
Ce n'est pas un testament que
ce livre, c'est beaucoup mieux, c'est un partage de flâneries
minuscules, d'éblouissements si fins qu'en temps ordinaires on les
gâche, ou pire on les piétine. La vie qui va est le privilège des
jeunes, la vie qui marque le pas est celui des êtres mûrs.
Entendons nous bien, il n'y a pas dans ce recueil une demi-phrase, ou
même un souffle de nostalgie ! Oh non ! Il n'est pas
question des temps perdus. Le dernier recueil de poésie ( en date )
de Jean-François Mathé, aux éditions « Le silence qui
roule » s'appelle « Vu, vécu, approuvé ». Les
poèmes – toujours sans titre, c'est une vieille habitude de
l'auteur depuis le milieu des années 80 – palpitent de cette
attente, sans impatience, qui habite les esprits à l'heure languide
qui blanchit les cheveux et plie les genoux. L'auteur partage des
instants fugaces, des espaces de lumière, le halo d'un feuillage
frémissant, « des ciels de plus en plus transparents d'où
tomberont des ailes fatiguées ». Alors, même les
habitudes deviennent élégantes « nous recousons chaque
fois la tendresse qui est de moins en moins l'amour. » Avec
l'âge, la vie traîne des pieds et soulève une jolie poussière :
« tu étais cambré et moi à genoux. Tu cueillais les
fruits, je ramassais l'ombre du cerisier. Tout était net quand nous
partîmes. L'échelle restée debout signe ce tableau que rien plus
n'encombre. Laissons-le là, clair, sous son vernis d'air. »
Ces poèmes ressemblent à ces instants de grâce - heureux ceux qui
les ont vécus – qui surgissent soudain dans l'ordinaire, à un feu
rouge, en attendant un ami au café, au rayon des épices du
super-marché. Soudain ni le temps ni l'espace n'ont plus une
quelconque fonction, un voile bouge et le souffle qui le soulève
nous embrasse. Voilà à quoi ressemble ce livre qu'on relit encore
et encore parce qu'il partage généreusement ces paisibles et
fantastiques sentiments. Ils sont d'autant plus forts que leur saveur
est légère. C'est un mystère certes, et le labeur du poète est de
les saisir, de les triturer sans les trahir, de les faire entrer dans
les mots sans les blesser. Dans la trentaine de poèmes qui
composent le recueil le mot « vent » apparaît dix fois,
« silence » sept fois, « oiseau » cinq fois.
Certes cette comptabilité est un peu absurde mais elle dit à sa
façon la respiration aérienne de cette aventure. « Ce
que ma voix a semblé ne pas dire tombe en flocons dans un silence de
neige. Pourtant, certains l'entendent du ciel à la terre :
oreilles fines des amis proches qui accueillent tout ce qui était
murmuré pour eux seuls, dans les parenthèses de ce que je criais à
tous. » La voix du poète n'est jamais vaine !
« Vu, vécu, approuvé »
est disponible au « Brin de Lecture » rue porte de Paris
12 €.
extrait :
« J'aime regarder
le vent qui ne se voit
pas,
j'aime poser des pierres
sur la peau de l'eau
pour qu'elles y
disparaissent,
j'aime feuilleter les
pages
dont la blancheur en dit
plus
que les mots qui y sont
écrits,
j'aime que le vide, en
tout, tienne
la porte ouverte à qui
ne veut que partir »
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