mercredi 17 janvier 2018

Oublié à perpétuité


Dessin de Louie Travis




Gérard Limace avait été condamné à mort pour avoir tué un hobereau lors d'un cambriolage qui avait mal tourné. Il plaida "la reprise individuelle" chère aux anarchistes. Son avocat déclara avec conviction : " La reprise individuelle est une forme de justice qu'on pourrait qualifier de «justice sociale» malgré son caractère non collectif . Elle s'exerce contre les possédants en faveur des nécessiteux, mais uniquement dans la limite du strict indispensable."


Le jury composé de petits boutiquiers, d'un artiste peintre pompier, d'un notaire et d'un nobliau oisif ne fut pas sensible à l'argument. Gérard Limace fut condamné à mort. Gérard décida alors de se vouer au silence jusqu'au passage de la lame. Mais par un curieux concours de circonstances, le pays se lança dans une guerre hasardeuse qu'il perdit. Un nouveau régime prit le pouvoir. Les archives du tribunal ayant été bombardées, les garde chiourmes ayant été tués au front, la nouvelle justice ayant d'autres chats à découper, on oublia Gérard Limace dans sa geôle. Le temps passant on ne savait plus très bien ce qu'il faisait là, ni même comment il s'appelait. Il était en prison, voilà tout.


Un jour il mourut de sa belle mort comme disent les gens libres. Il fallut bien retrouver son identité et, dans un fond de tiroir poussiéreux d'une cave condamnée de la prison, on trouva une copie résumée de son maigre dossier. 
Saisi de cette embarrassante affaire le préfet déclara : "quelques soient les circonstances, la justice doit passer". On décapita donc le mort ! Le bourreau confia qu'il n'avait jamais eu un client aussi calme.

On peut voir un moulage de la tête de Gérard au musée de la justice... enfin ... on pouvait ... car le conservateur l'a égarée.

On ne peut pas être plus discret.


Voilà c'est tout

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