mardi 15 mai 2018

Les cadeaux du poète

Jean-François Mathé publie son dernier recueil de poésie "Prendre et perdre". "Le temps", dit-il, c'est "du sable".


On croise parfois le poète Jean-François Mathé au rayon des épices dans une grande surface thouarsaise. Comme quoi les poètes sont des gens ordinaires. Ah bon ? Non pas tout à fait. En réalité ils ne courent pas les rues et restent les représentants d'une espèce rare, on redoute même qu'elle soit en voie de disparition. Jean-François Mathé qui habite Missé fut professeur de français au lycée de Thouars, c'est un authentique poète. Un homme discret qui, d'une phrase, peut vous changer la perspective d'une journée qu'on croyait morne et qui devient soudain toute vive.


Il vient de publier chez Rougerie ( l'éditeur en poésies) son dernier recueil intitulé "Prendre et perdre". Il dit lui-même que c'est son dernier après une vingtaine d'indispensables autres livres. Le dernier ? En tout cas voilà un recueil en guise de testament qui arpente sans peur, mais non sans frémir, ces temps qui s'échappent.
C'est d'une saisissante beauté, sans artifice, avec cette quiétude qu'autorise l'âge mais pas l'expérience.


Il écrit : "tu étais sans blessures, comme du vent mordu par les chiens". Voilà des phrases qui nourrissent des heures entières. Au fil des pages il dit que tout n'est que passage. Et sans mettre de majuscule au mot Eternel il sous-entend qu'après cette vie il y a encore du bonheur " le vent fermera la maison après que nous serons partis vers cette saison, ce soleil". Mais il faut bien vivre en attendant et se rendre avec lucidité à l'évidence " comment reprendre souffle quand l'arbre qui était en automne est désormais en toi?". D'une certaine manière nous sommes les artisans de notre propre déclin "la pluie qui fut douce (devient) de la neige et la neige (offre) aux chasseurs les traces du gibier." Cette lucidité pourtant mord incompréhensiblement la vie à pleines dents et la déchiquette "pourquoi, même si c'est le soir et que le jour enfile ses gants de nuit me brûle encore le désir de vivre". Voilà bien le mystère ici traqué, choyé, caressé. Tout cela est d'une beauté émouvante. On lit mais l'esprit ne peut pas saisir l'ensemble d'une seule brassée. Alors on promène ce livre dans sa poche, à portée de main. Une grande oeuvre !


Au Brin de Lecture ( 13 €) rue Porte de Paris. Thouars

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