mardi 9 mai 2017

Pas mieux




Un texte d'Octave Mirbeau sur ce fantastique tableau de Gauguin, le Christ jaune ...  "la mélancolie de ce Christ de bois est indicible. Sa tête a d'affreuses tristesses... " pas mieux :
"Dans la campagne toute jaune, d'un jaune agonisant, en haut du coteau breton qu'une fin d'automne tristement jaunit, en plein ciel, un calvaire s'élève, un calvaire de bois mal équarri, pourri, disjoint, qui étend dans l'air ses bras gauchis. Le Christ, telle une divinité papoue, sommairement taillé dans un tronc d'arbre par un artiste local, le Christ piteux et barbare est peinturluré de jaune. Au pied du calvaire des paysannes se sont agenouillées. indifférentes, le corps affaissé pesamment sur la terre, elles sont venues là parce que c'est la coutume de venir là, un jour de Pardon. Mais leurs yeux et leurs lèvres sont vides de prières. Elles n'ont pas une pensée, pas un regard pour l'image de Celui qui mourut de les aimer. Déjà enjambant des haies, et fuyant sous les pommiers rouges, d'autres paysannes se hâtent vers leur bauge, heureuses d'avoir fini leurs dévotions. Et  la mélancolie de ce Christ de bois est indicible. Sa tête a d'affreuses tristesses; sa chair maigre a comme des regrets de la torture ancienne, et il semble se dire, en voyant à ses pieds cette humanité misérable et qui ne comprend pas : " Et pourtant, si mon martyre avait été inutile?"

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