mercredi 1 février 2017

Cap'tain William Rogers

Nous donnions la lumière au monde civilisé. Avec l'huile des cachalots nous donnions de la lumière aux nuits sans lune. La chasse à la baleine fut ma vie (et je ne m'appelais pas pour autant Ishmaël). Un jour j'ai posé mon sac sur le "John Day", capt'ain William Rogers.

William Rogers. Dessin Louie Travis


Il était mormon et avait, je crois, trois femmes et seize enfants.  Le navire mit le cap au nord est de l'Australie. Nous fîmes assez vite le plein d'huile. Le pont puait. Le sang versait par les sabords à flots. A ce train notre fortune était faite, encore une semaine. Une nuit, alors que le forgeron frappait sur l'enclume pour épointer les harpons Timor Jack fonça sur nous. Il éventra la goélette. J'ai survécu et j'ai habité longtemps un îlot plein d'hommes et de femmes tatoués. Timor Jack était l'un de ces cachalot qui attaquaient les navires. On n'a jamais su pourquoi. Peut-être le bruit du marteau sur l'enclume était pour lui un signal de guerre... Peut-être Timor Jack ( chaque mer avait son cachalot-héros) défendait-t-il les siens... Toujours est-il qu'un jour les cachalots n'ont plus jamais foncé sur nos coques. Et en y pensant soudain je me dis que ce fut à l'époque où le pétrole remplaça l'huile de cachalot dans les lampes. J'avais vu la fortune à la fin de la semaine et j'ai fini alcoolique dans une case de Gambie avec une femme Mandingue qui me battait comme plâtre.


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