Suite et fin de la lettre (trouvée dans le bateau, cap à l'ouest).
« Quand il a fallu revenir chez les gens, dans les rues, et arpenter les places bruyantes ce fut étrange. Désormais souvent je croise la nostalgie, elle me caresse et m'embrasse. Je lui suis resté fidèle. Elle vient s'allonger à côté de moi la nuit quand tout le monde dort dans la maison. Le jasmin alors s'affole, enfin … il me semble. (...) Dans les taxis-brousse nous passions les frontières comme les autres, le corps las et le visage rouge de la poussière de latérite.
Nous traversions le monde sans avidité. Quelques rares lassitudes nous accablaient, mais c'était rare, car la curiosité n'est jamais rassasiée. Je me souviens aussi je suis bûcheron en Ariège ; des arbres ont basculé découvrant soudain des morceaux entiers de ciel. Des envies de se rouler nu dans les feuilles mortes me sautaient à la gorge, le sang a coulé aussi quand les jambes étaient mordues par les tronçonneuses, les haches étaient nos uniques compagnes ( elles au moins ne nous voulaient aucun mal contrairement aux tracteurs articulés qui rêvaient de verser avec avidité dans la pente des montagnes). Pas d'alcool, pas de drogue, la liberté passait avant tout et me charmait bien plus que n'importe quelle substance. Tant pis, un jour je retournerai au guichet oblitérer des cartes à des voyageurs de première classe en partance pour Constantinople. »
( A suivre lundi)
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