dimanche 14 octobre 2018

Une chanson perdue

Louise. Dessin Louie Travis



_ La cour vous condamne à 32 ans de réclusion criminelle !
Voilà Louise dans sa longue robe de coton bleu indigo emmenée les chaînes aux poignets dans un cul de basse fosse du côté de Nevers. Un an plus tôt, à l'atelier, elle avait égorgé  le contremaître avec une paire de ciseaux. Le directeur de l'usine cité à la barre dit qu'elle avait des idées subversives, que plus d'une fois elle s'était révoltée contre la journée de travail "pourtant limitée chez moi à 10 h ! ". 
On l'avait même entendue évoquer la création d'un syndicat : "un syndicat dans mon usine rendez-vous compte !" Personne ne vint témoigner en faveur de Louise ( le patron avait averti, et c'était limpide : "soutien = la porte").

Louise tenta d'expliquer que le contremaître était de plus en plus pressant. Et que somme toute elle avait usé d'une paire de ciseaux pour s'épargner un viol. Le jury composé d'hommes fut rappelé à l'ordre : il ricanait.

Bon... cinq ans plus tard la révolution envoya promener tout ce monde, ces porteurs de montre à gousset, ces bourgeoises à chapeau. Louise fut libérée et même fêtée. Les anarchistes la portèrent en triomphe. Elle mourut six mois plus tard sur une barricade dans une rue dépavée quand la liberté devenue insupportable aux puissants fut reléguée à un mot dans le dictionnaire entre "libertaire" et "liberticide". Son amoureux avait été fusillé sans elle mais en compagnie de ses camarades. 
Une chanson a été chantée plus tard pour raconter tout cela, mais on l'a oubliée.
J'y pensais l'autre jour à la manif, devant le théâtre de Thouars. Plein de gens n'étaient pas là, mais ils aimeraient bien entendre cette chanson ( enfin, c'est ce qu'ils disent)  .



En voici une version moderne


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